Octobre en fleur/4/115

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Maison d’éditions et d’impressions Anct AD. Hoste, S. A. (p. 273).

CXV.

LE FROID DU MARBRE.


Je suis comme une enfant qui vient, dans un musée,
Adorer, tous les jours, un bel éphèbe en marbre,
Vouant sa bouche en fleur et que nul n’a baisée
Au dieu gracile et blanc, élancé comme un arbre.

Et, seule, un jour d’hiver, quand les voix se sont tues
Et les pas des passants désœuvrés dans la salle,
Vive et rose au milieu d’un peuple de statues,
Elle effleure en tremblant les pieds de son dieu pâle.

Et l’amoureuse enfant que le désir soulève
Baise les pieds du dieu de sa bouche qui brûle,
Puis s’en va, chancelante, ivre encor de son rêve,
Dans la rue assombrie où pleut le crépuscule.

Et la nuit, en sursaut réveillée en sa couche,
L’amour tordant son corps comme l’orage un arbre,
Elle sent, douloureux sur l’ardeur de sa bouche,
Comme un refus du dieu le froid mortel du marbre.