Odes (Horace, Leconte de Lisle)/I/28
Traduction Leconte de Lisle, 1873
L’aumône d’un peu de poussière, près du rivage
de Matinum, suffit pour te contenir, Archytas, toi
qui mesurais la terre et comptais les sables de la
mer ; et il ne t’a servi à rien d’avoir tenté les
demeures aériennes et parcouru en esprit la voûte
du ciel, à toi qui devais mourir. Ils sont tombés, et le
père de Pélops, le convive des Dieux, et Tithonus enlevé aux cieux, et Minos admis aux secrets de
Jupiter ; et le Tartare possède le Panthoïde, descendu une seconde fois dans l’Orcus ; bien
qu’ayant vécu au temps de Troja, comme l’atteste
son bouclier détaché, il n’eût laissé à la noire
mort que ses nerfs et sa peau, ce divinateur
de la nature et de la vérité, irréprochable selon ton
propre aveu. Mais une même nuit nous est réservée à tous, et nous foulerons tous le chemin de la
mort. Les Furies donnent les uns en spectacle au
farouche Mars ; l’avide mer engloutit les matelots ;
les funérailles des jeunes et des vieux se confondent ; l’inhumaine Proserpina ne s’éloigne d’aucune
tête. Et moi aussi, le Notus, ce rapide compagnon
d’Orion, m’a englouti dans les eaux Illyriques.
Toi, matelot, ne manque pas de donner un peu
de sable mouvant à mes os et à ma tête sans
sépulture. Quelque menaçant que soit l’Eurus pour les flots Hespériens, qu’il t’épargne en
récompense, et que les forêts Vénusiniennes seules en
souffrent ! Que la richesse afflue chez toi, venant
de Jupiter et de Neptunus, ce gardien sacré de
Tarentus ! Voudrais-tu commettre un crime qui
nuirait après toi à tes enfants innocents ?
Peut-être même que des châtiments légitimes, des retours
terribles te seraient réservés. Je ne laisserais point
d’inutiles imprécations, et nulle expiation ne
t’absoudrait. Bien que tu te hâtes, ton retard ne sera pas
long, et tu pourras partir, après avoir jeté trois
fois de la poussière.