Odes (Horace, Leconte de Lisle)/I/3

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1er siècle av. J.-C.
Traduction Leconte de Lisle, 1873
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Ode III. — À LA NEF DE VIRGILIUS
partant pour athenæ.


Que la Déesse puissante de Cypros, que les frères d’Héléna, ces astres clairs, que le Père des vents, les comprimant tous, hors l’Iapyx, te conduisent, nef qui me dois Virgilius que je t’ai confié ! Puisses-tu le rendre sain et sauf aux rivages Attiques et me conserver la moitié de mon âme ! Il avait la vigueur du chêne et un triple airain autour de la poitrine, celui qui livra le premier une nef fragile à la mer terrible et qui ne craignit ni l’impétueux vent d’Afrique luttant avec les Aquilons, ni les tristes Hyades, ni la rage du Notus, ce maître tout-puissant de l’Hadria, qu’il veuille en soulever ou en apaiser les flots. Quelle image de la mort redoutait-il, celui qui, de ses yeux secs, vit les monstres nageants et la mer gonflée et les infâmes écueils Acrocérauniens ? C’est en vain qu’un Dieu prudent a séparé les terres par l’Océan qui disjoint, si les nefs impies franchissent les gués qui ne devaient pas être tentés. Audacieuse à tout braver, la race humaine se rue vers l’impiété défendue. L’audacieux fils de lapétus, par une ruse mauvaise, donna le feu aux nations. Après que le feu eut été ravi à la demeure éthérée, la maigreur et la foule inconnue des maladies tomba sur la terre, et la nécessita autrefois tardive de la mort reculée hâta le pas. Dædalus a tenté le vide aérien sur des ailes non données à l’homme ; le travail Herculéen a forcé l’Achéron. Rien n’est inaccessible aux mortels. Insensés, nous convoitons le ciel même, et, par nos crimes, nous ne permettons pas à Jupiter de déposer ses foudres irritées.