Odes (Horace, Leconte de Lisle)/II/16

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1er siècle av. J.-C.
Traduction Leconte de Lisle, 1873
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Ode XVI. — À POMPÉIUS GROSPHUS.


Il demande le repos aux Dieux, celui qui est surpris au milieu de la mer Ægæenne, quand une nuée noire cache la lune et quand les astres infaillibles ne luisent plus pour les matelots.

La Thrace furieuse au combat et les Mèdes ornés du carquois demandent, Grosphus, le repos qui ne se vend ni pour les pierres précieuses, ni pour la pourpre, ni pour l’or.

Les richesses, les licteurs consulaires ne dissipent point les misérables troubles de l’esprit et les soucis qui volent autour des toits lambrissés.

Il vit heureux de peu, celui pour qui brille, sur sa table étroite, la salière paternelle. Ni la crainte ni le désir sordide ne lui ôtent son tranquille sommeil.

Pourquoi tendons-nous à tant de choses, nous qui vivons si peu ? Pourquoi cherchons-nous des terres chauffées par un autre soleil ? Celui qui s’exile de sa patrie se fuit-il soi-même ?

Le souci rongeur monte sur les nefs aux proues d’airain ; il poursuit les bandes de cavaliers, plus rapide que les cerfs et plus rapide aussi que l’Eurus qui chasse les nuées.

L’esprit satisfait du présent refusera de s’inquiéter de ce qui vient après, et il adoucira les choses amères par un rire tranquille. Il n’est rien de parfaitement heureux.

Une prompte mort a enlevé l’illustre Achillès ; une longue vieillesse a consumé Tithonus ; et l’heure va peut-être m’apporter ce qu’elle t’a refusé.

Tu possèdes cent troupeaux de brebis et de vaches Siculiennes qui mugissent ; la cavale apte au quadrige pousse pour toi son hennissement ; tu es vêtu de laines deux fois teintes de pourpre Africaine.

La Parque véridique m’a donné un petit domaine, un peu du souffle de la Muse Graienne et le mépris du vulgaire envieux