Odes (Horace, Leconte de Lisle)/III/1
Traduction Leconte de Lisle, 1873
e hais le profane vulgaire et je le
repousse. Faites silence. Prêtre des
Muses, je chante aux vierges et aux
jeunes hommes des chants non encore
entendus.
Les Rois redoutés de leurs troupeaux d’hommes, les Rois eux-mêmes sont soumis à Jupiter, à l’illustre dompteur des Géants, qui, de son sourcil, ébranle tout ce qui existe.
Tel homme étend plus largement ses plants d’arbustes ; celui-ci, plus noble de race, descend au Champ de Mars en solliciteur ; celui-là lutte par ses mœurs et sa renommée meilleure.
Cet autre l’emporte par la multitude de ses clients ; mais la Nécessité fait, par une loi égale, le sort des illustres et des humbles, et son urne immense remue tous les noms.
Les mets Siculiens apprêtent vainement leur douce saveur pour celui dont une épée dégainée menace la tête impie ; les chants des oiseaux et de la cithare
Ne lui rendront pas le sommeil. Le sommeil
tranquille ne dédaigne pas les humbles demeures
des hommes agrestes, et la rive ombreuse, et Tempé
agitée par les Zéphyrs.
La tumultueuse mer ne tente point celui qui ne désire que le nécessaire, ni la terrible chute de l’Arcturus, ni le lever du Chevreau.
Ses vignes ne sont point frappées par la grêle, sa terre ne le trompe point, ses arbres ne se plaignent point des pluies, ou des chaleurs qui brûlent les champs, ou des rudes hivers.
Les poissons sentent la mer rétrécie par les môles qu’on y jette, et où l’entrepreneur et ses esclaves précipitent des monceaux de ciment, devant un maître
Ennuyé de la terre. Mais la crainte et les menaces le suivent là où il va ; le noir souci monte sur sa trirème à proue d’airain, ou chevauche derrière lui.
Si ni la pierre Phrygienne, ni l’usage de la pourpre plus éclatante que les astres, ni la vigne de Falernum, ni le parfum Achæménien, n’adoucissent la douleur ;
Pourquoi, excitant l’envie, bâtirais-je un magnifique atrium sur un nouveau modèle ? Pourquoi
changerais-je ma vallée Sabine pour des richesses
tourmentées ?