Odes (Horace, Leconte de Lisle)/III/16

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1er siècle av. J.-C.
Traduction Leconte de Lisle, 1873
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Ode XVI — À MÆCENAS.


Une tour d’airain, des portes solides et la garde sévère des chiens vigilants auraient préservé Danaé captive,

Si Jupiter et Vénus ne s’étaient ri d’Acrisius, geôlier tremblant de la vierge emprisonnée. En effet, un chemin large et sûr devait s’ouvrir à un Dieu changé en or.

L’or passe au milieu des satellites et se plaît à percer les rochers, plus puissant que le coup de la foudre. La maison du divinateur Argien est renversée et ruinée par la cupidité.

L’homme Macédonien rompt les portes des villes et sape les rois rivaux par des présents. Les dons gagnent les farouches commandants des nefs.

Le désir et la faim de plus grands biens croissent avec la richesse. J’ai toujours craint de lever la tête et d’être vu de loin, Mæcenas, honneur des chevaliers.

Plus on se refuse, plus on obtient des Dieux. Je passe, nu, dans le camp de ceux qui ne désirent rien, et, transfuge, je quitte le parti des riches.

Je suis plus opulent, maître d’un bien méprisé, que si j’entassais dans mes granges tout ce que moissonne le laborieux Appulien, pauvre au milieu de grandes richesses.

Un cours d’eau vive, un bois de quelques arpents et l’assurance de ma récolte me font plus heureux, sans qu’il s’en doute, que le possesseur de la fertile Africa.

Bien que les abeilles de la Calabria ne m’offrent point leur miel, que Bacchus ne s’amollisse point pour moi dans les amphores Læstrygoniennes, et que d’épaisses toisons ne croissent point pour moi dans les pâturages Galliques,

Cependant, la pauvreté importune est loin de moi, et, si je voulais plus, tu ne refuserais pas de me le donner. En resserrant mon désir, j’étendrai mieux mes revenus,

Que si je réunissais le royaume d’Alyattès aux champs Mygdoniens. Beaucoup manque à ceux qui demandent beaucoup. Tout est bien pour ceux à qui les Dieux ont donné, d’une main économe, ce qui suffit.