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Odes (Horace, Séguier)/II/20 - À Mécène

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Odes et Épodes et Chants séculaires
Traduction par M. le Comte de Séguier.
A. Quantin (p. 82-83).


XX

À MÉCÈNE


D’une aile puissante, inconnue aux humains,
Poète biforme, au sein de l’air tranquille
      Je vais fuir ; les terrestres chemins
   Ne m’auront plus ; vainqueur de tout Zoïle,

Adieu les cités ! Non, je ne mourrai pas,
Moi, le plébéien, moi que ta voix appelle,
      Et du Styx, ô très cher Mécénas,
   Mon vol saura tromper l’onde cruelle.

Déjà vers ma jambe une rugueuse peau
S’étend ; j’ai la tête et la blancheur du cygne ;
      Sur mes doigts pousse un duvet nouveau ;
   À mon épaule est un plumage insigne.

Plus léger soudain qu’Icare Dédalé,
J’atteindrai les flots du gémissant Bosphore ;
      J’irai voir, musicien ailé,
   L’Hyperborée et les Syrtes du More.

Le Colchidien, le Dace cachant mal
Son effroi du Marse, et la horde gélonne

   M’entendront ; l’Ibère, moins brutal,
   M’applaudira, comme le fils du Rhône.

À mon vain trépas donc point de triste sceau :
Point de deuil honteux, de larmes puériles :
      Adoucis ta peine, et d’un tombeau
   Épargne-moi les honneurs inutiles.