Odes (Horace, Séguier)/II/3 - À Q/ Dellius
III
À Q. DELLIUS
Au sein des revers souviens-toi de nourrir
Une humeur égale, et jamais ne déploie
Dans la chance une insolente joie,
Ô Dellius, puisque tu dois mourir,
Soit que le malheur sans répit te consterne,
Soit qu’aux jours chômés pressant un doux gazon,
À l’écart, de sa vieille prison
Ta main ravie épanche un gai falerne.
Vois-tu ce pin svelte et ce blanc peuplier
Aimant à confondre, en voûte hospitalière,
Leurs rameaux ? Vois-tu cette onde claire
Précipitant son cours irrégulier ?
Que là, par tes soins, vins et parfums s’apprêtent,
Mêlés à la rose, éphémère ornement,
Tant que l’âge et l’horizon clément
Et les fils noirs des trois Sœurs le permettent.
Il faudra quitter ces beaux parcs, ce palais,
Et cette villa que baigne l’or du Tibre :
Tout quitter ! un héritier sans fibre
S’emparera de ces trésors complets.
Riche, et descendant de l’Inachus antique,
Ou bien, sur la paille, infime rejeton
D’indigents, il n’importe : Pluton
Te rangera sous son sceptre horrifique.
Chacun va poussé vers le même séjour,
Le nom de chacun tourne en l’urne fatale :
Qu’on l’appelle, et la barque infernale
Mène à l’exil qui n’a point de retour.