Ontologie naturelle/Leçon 18

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Garnier Frères (p. 151-158).

DIX-HUITIÈME LEÇON

Membranes de l’œuf : 1o membrane vitelline ou chorion ; 2o amnios ; 3o membrane ombilicale ; 4o allantoïde.

Ne perdez pas de vue, dans la suite de ces études ovologiques, ce point fondamental, savoir : que le fœtus se nourrit, respire, vit, en un mot, par des organes qui lui sont propres, par des organes que n’a pas l’adulte. Ainsi, le fœtus a une peau extérieure, un intestin, une vessie excrétoire, des poumons, qui lui sont propres. C’est l’ensemble de ces parties qui constitue l’organisation propre du fœtus pour la vie végétative.

À les considérer d’une manière générale, ces organes de la vie végétative se composent de quatre poches ou membranes : 1o la membrane vitelline ou le chorion ; 2o l’amnios ; 3o la membrane ombilicale ; 4o l’allantoïde. Étudions chacune de ces membranes, toujours dans l’œuf de l’oiseau.

1o La membrane vitelline[1] se nomme aussi membrane du jaune. Elle présente une structure celluleuse, et peut être divisée en deux feuillets. C’est l’enveloppe générale de l’œuf, avant qu’il se soit détaché de l’ovaire.

La membrane vitelline ne tient pas au fœtus, tandis que les trois autres poches sont des émanations du fœtus lui-même.

Tels sont donc les deux caractères essentiels de la membrane vitelline : c’est une enveloppe générale, et elle ne tient pas au fœtus.

2o L’amnios est une membrane très-fine, blanche, pellucide, née du feuillet externe ou séreux du blastoderme, le même qui a déjà produit la première ébauche de l’embryon. Autour de l’embryon ce feuillet se soulève en formant un pli circulaire, qui devient de plus en plus saillant. Ce pli se recourbe de tous côtés, d’avant en arrière, d’où résulte une cavité au fond de laquelle se trouve l’embryon. Au niveau des deux extrémités de l’embryon, le pli blastodermique prend une apparence qui l’a fait comparer à un capuchon ; et c’est de là que viennent les noms de capuchon céphalique et de capuchon caudal : le premier, comme son nom l’indique, servant à désigner la portion de ce pli qui répond à la tête de l’embryon ; le second, la portion de ce pli qui répond à la partie caudale. Par suite du développement progressif du pli circulaire qui se recourbe de plus en plus, l’orifice de la cavité, de la bourse, se rétrécit et finit par s’oblitérer en mi point qui répond à la face dorsale de l’embryon, et qu’on nomme l’ombilic amniotique.

L’amnios est alors formé : bientôt il secrète un liquide séreux destiné à protéger le fœtus. Ce liquide est le liquide amniotique.

Le petit poulet se trouve complètement renfermé dans l’amnios et entouré du liquide amniotique, à la fin du quatrième jour de l’incubation.

L’amnios a pour caractère de servir d’enveloppe immédiate au fœtus.

3o La membrane ombilicale est constituée par le feuillet interne ou muqueux du blastoderme. La partie de ce feuillet, qui répond à l’embryon, formera l’intestin intérieur du fœtus. Par son épanouissement extra-fœtal, ce feuillet s’applique immédiatement sur le vitellus et l’environne complétement : il prend là le nom de membrane ombilicale, et forme comme un second intestin, comme l’intestin extérieur du fœtus.

La membrane ombilicale n’est que la continuation de l’intestin du fœtus.

C’est cette continuité, mal démêlée, qu’Haller regardait comme une preuve péremptoire de la préexistence du germe. Nous voyons, disait-il, la poule pondre des œufs sans le concours du mâle. C’est déjà un indice de préexistence. Nous voyons ensuite l’œuf (c’est-à-dire le jaune et sa membrane) tenir au poulet. Donc l’œuf et le poulet n’ont jamais fait qu’un et préexistaient ensemble.

C’était très-bien raisonner, mais c’était partir d’une méprise. Haller confondait la membrane vitelline avec la membrane ombilicale. La membrane vitelline préexiste, en effet, au développement du fœtus et même à la fécondation ; mais elle ne tient pas au fœtus, elle n’appartient pas au fœtus : la membrane ombilicale, au contraire, vient du fœtus, tient au fœtus ; mais elle ne préexiste point.

La membrane ombilicale tapisse à l’intérieur la membrane vitelline, et ses vaisseaux viennent du poulet : c’est le prolongement des vaisseaux mésentériques de celui-ci.

4o L’allantoïde est une quatrième poche, qui ne paraît qu’après les autres. C’est cette poche qui, dans les mammifères, donne naissance à la vessie urinaire et dont le vestige subsistant porte le nom d’ouraque. Cette poche naît de la partie inférieure de l’intestin sous forme d’une petite vésicule.

C’est entre la 48me et la 60me heure de l’incubation que cette sorte de germination a lieu. Le quatrième jour, l’allantoïde croît rapidement ; le cinquième, elle a un long pédicule ; le sixième, elle se montre comme une grosse vessie aplatie. Dans les derniers jours de la seconde semaine, elle enveloppe tout le fœtus, y compris le sac vitellin, tapisse l’intérieur de la coque et soutient un réseau vasculaire extrêmement riche, contenant un sang vermeil. Les troncs de ce réseau sont les vaisseaux ombilicaux, composés de deux veines et de deux artères.

Les vaisseaux de l’allantoïde constituent essentiellement le poumon du poulet dans l’œuf, son organe de respiration, l’organe qui présente le sang à l’action de l’air.

L’allantoïde a aussi pour usage de recevoir les excrétions du fœtus.

Haller est le premier qui ait bien observé l’allantoïde dans l’oiseau. Il en parle en ces termes : « L’allantoïde paraît de bonne heure et dès avant le troisième jour. »


Nous venons d’étudier toutes les parties adventices et toutes les parties essentielles de l’œuf dans les ovipares. Formons-nous maintenant une idée du rôle physiologique de chacune d’elles.

Commençons par les parties adventices.

Pour des organes si petits, si frêles, que le sont d’abord ceux du nouvel être, une enveloppe commune et protectrice était nécessaire. Cette enveloppe est la membrane calcaire qui se trouve encore fortifiée par la coquille. Au moyen de sa coquille, l’œuf peut résister aux agents de destruction qui l’environnent.

Il fallait, en second lieu, que le nouvel être fût préservé du contact des autres parties qui composent l’œuf. C’est l’amnios qui sert à cela ; il contient le fœtus privativement et l’isole des autres parties. Ce n’est pas tout ; il fallait prévenir les chocs, les secousses : et c’est à quoi sert le liquide sécrété par l’amnios. Dans ce liquide le nouvel être est ballotté doucement ; l’effet des chocs et des secousses est amorti.

En troisième lieu, l’œuf étant complètement séparé de la mère, s’il n’y avait pas eu dans l’œuf même une provision de nourriture, comment le fœtus aurait-il vécu ?

La membrane du jaune contient une provision de matière nutritive, telle qu’il la fallait pour le jeune être. Cette provision, appelée jaune ou vitellus, a été si bien mesurée que le fœtus trouve dans l’œuf ce qu’il lui faut de nourriture précisément pour le temps de son développement, ni plus ni moins.

Dans les vivipares, chose admirable ! il se développe, parallèlement au développement du fœtus, et non point dans le fœtus, mais dans la mère, un organe destiné à préparer l’aliment nécessaire au nouvel être : cet organe est la mamelle, et cet aliment est le lait.

Toute nutrition implique une excrétion[2]. De plus, cette excrétion ne peut pas sortir de l’œuf. Mais, dira-t-on, son séjour y sera une cause de désordre ; elle refoulera les organes, étouffera l’animal ! — Non, il a été pourvu à tout : il existe une poche, l’allantoïde, pour recevoir l’excrétion.

Maintenant, comment le fœtus respirera-t-il ? Par ses poumons ? Mais le fœtus est pelotonné, ramassé sur lui-même ; par suite, ses poumons sont comprimés, et d’ailleurs, ils sont encore bien imparfaits. Il ne peut donc pas respirer par ses poumons. — Cette même poche, qui sert de réceptacle aux excrétions, se recouvre de vaisseaux qui s’étendent, se développent et vont au-devant de l’oxygène ; ils font l’office d’organe respiratoire.

Quelle admirable série de prévisions et de précautions ! N’est-il pas manifeste, par tous ces exemples, que les fonctions sont le but, la fin des organes, et ne sommes-nous pas fondés à dire que la physiologie est la démonstration évidente des causes finales ?

  1. Dans les mammifères, elle prend le nom de chorion.
  2. Pendant la vie fœtale, l’excrétion est exclusivement liquide, c’est-à-dire urinaire.