Ontologie naturelle/Leçon 19

La bibliothèque libre.
Garnier Frères (p. 159-165).

DIX-NEUVIÈME LEÇON

Tout œuf est composé de même. — Ovulation spontanée. — Description de l’œuf des mammifères carnassiers.

Après cette première loi : tout être vivant vient d’un œuf, nous en avons posé une autre : tout œuf est composé de même. Voyons donc si nous retrouverons dans l’œuf du mammifère les caractères et la structure de l’œuf de l’oiseau.

Un premier point de conformité, c’est que tous les deux se forment dans un même lieu qui est l’ovaire. Nous l’avons déjà vu.

L’œuf du mammifère est contenu dans une vésicule qu’on appelle du nom de celui qui l’a vue le premier : vésicule de Graaf. Cette vésicule, parvenue à maturité, se rompt pour laisser échapper l’œuf ; la rupture forme une plaie qui, comme toute plaie, s’accompagne d’une tuméfaction, d’un épanchement sanguin. Au bout de quelque temps, le sang épanché s’épaissit en une matière jaunâtre : c’est ce qu’on appelle le corps jaune. Autant de corps jaunes, autant d’œufs qui sont sortis de l’ovaire. Le corps jaune ne tarde pas à être résorbé et ne laisse qu’une cicatrice ; le nombre d’œufs sortis de l’ovaire reste marqué, attesté par le nombre des cicatrices.

Les œufs, détachés de l’ovaire, ne donnent pas tous des fœtus. Ceux qui n’ont pas été fécondés ne produisent rien. Dans ceux qui ont été fécondés, un nouvel être se développe. Pour les mammifères, le développement du nouvel être, le développement fœtal se fait tout entier dans la matrice. Au contraire, l’œuf de l’oiseau séjourne très-peu de temps dans l’oviducte, d’où il sort pour être soumis à l’incubation.

Vous voyez qu’il existe, si je puis parler ainsi, deux pondaisons successives : l’une intérieure, quand l’œuf s’échappe de sa vésicule ; l’autre extérieure, quand le fœtus parvenu à terme dans les vivipares, ou quand l’œuf mûr pour l’incubation dans les ovipares, sort du sein de la mère.

Vous voyez aussi que la femelle (tant dans les vivipares que dans les ovipares) pond des œufs sans le secours du mâle, phénomène qui a reçu le nom d’ovulation spontanée. Le fait est manifeste et se passe sous les yeux de l’observateur dans les oiseaux, dans les batraciens, tels que le crapaud, la grenouille, dans la plupart des poissons, etc.

En 1835, professant un Cours d’ovologie au Muséum, je pressentais déjà que l’ovulation spontanée, visible dans l’oiseau, dans le batracien, dans le poisson, devait constituer une loi générale et qu’en conséquence on devait finir par la retrouver dans les vivipares. M. Pouchet, professeur de zoologie à Rouen, a vérifié depuis ce que j’avais prévu. Il a démontré, par des faits incontestables, l’ovulation spontanée dans les animaux mammifères. M. Raciborski est venu ensuite, et a démontré l’ovulation spontanée dans l’espèce humaine (1844). La généralisation a été complète.

Le phénomène organique qui accompagne l’ovulation spontanée, cette sorte de parturition vierge, est le phénomène des époques périodiques dans l’espèce humaine, et d’autres époques également déterminées, pour les animaux.

Passons à l’étude de l’œuf des mammifères.

Nous y retrouverons toutes les membranes, toutes les poches de l’œuf de l’oiseau. Prenons d’abord pour exemple l’œuf d’un carnassier, du chien. Il nous présente les parties suivantes :

Dans l’ovaire : 1o la vésicule de Graaf ; 2o dans la vésicule de Graaf, l’œuf de Baër ; 3o dans l’œuf de Baër, la vésicule ou l’œuf de Purkinje ; 4o sur l’œuf de Purkinje, la tache germinative, laquelle n’est pas constante.

Dans la matrice : 1o le chorion ; 2o l’amnios ; 3o la vésicule ombilicale ; 4o la vésicule allantoïde.

Pour démontrer la loi d’analogie, je vais reprendre, sur l’œuf des carnassiers, la description de chacune des poches membraneuses, que nous avons étudiées dans l’œuf de l’oiseau.

Chorion. Le chorion est la membrane la plus externe de l’œuf (membrane vitelline des oiseaux) ; elle enveloppe toutes les parties du fœtus et ne lui adhère nullement. Le chorion se compose d’une membrane mince et caduque, recouverte d’un enduit verdâtre.

Le chorion, plus complet dans les autres mammifères, est, dans les carnassiers, très-peu marqué, rudimentaire.

Amnios. L’amnios est une poche remplie de liquide, et sert d’enveloppe immédiate au fœtus. L’amnios est une membrane mince et diaphane, analogue aux membranes séreuses, ne contenant point de vaisseaux.

Vésicule ombilicale. La vésicule ombilicale a la forme d’un T dont la branche horizontale serait formée par la vésicule, et la branche verticale par le pédicule. Cette vésicule est située sous le chorion, à l’extérieur du cordon ombilical, et contenue entre deux replis de la vésicule allantoïde.

La vésicule ombilicale sert à la nutrition du fœtus dans le commencement de la gestation, lorsque l’œuf n’a pas encore contracté d’adhérence placentaire avec la matrice. Elle est recouverte par les vaisseaux omphalo-mésentériques.

Vésicule allantoïde. La vésicule allantoïde a une forme ovoïde ; elle est située à l’extérieur de l’amnios ; elle est recouverte de vaisseaux qui ont pour racines les vaisseaux ombilicaux. La vésicule allantoïde tient à la vessie du fœtus par l’ouraque.

Toutes les parties sont donc essentiellement les mêmes dans l’œuf du mammifère et dans l’œuf de l’oiseau : seulement, les proportions de telle ou telle partie varient, parce que les circonstances de la vie fœtale varient elles-mêmes.

Ainsi, les mammifères étant vivipares et leur œuf ayant pour lieu d’incubation l’oviducte, cet œuf n’avait pas besoin d’être protégé par une enveloppe dure et résistante, comme l’œuf de l’oiseau.

Ainsi encore, l’œuf des mammifères est extrêmement petit, comparé à celui des ovipares proprement dits, parce que l’œuf de ceux-ci, entièrement séparé de la mère, devait contenir en lui toute la nourriture nécessaire au développement du fœtus.

Au contraire, l’œuf des mammifères n’a qu’un très-petit vitellus, parce que ce vitellus ne doit servir, en effet, qu’au premier développement du fœtus. Celui-ci ne tarde pas à se mettre en rapport avec les parois de l’organe d’incubation, de l’utérus, et à tirer de la mère, par un organe que nous étudierons bientôt (le placenta), toute la nourriture et tout l’oxygène dont il a besoin.

La loi d’analogie subsiste donc ; tous les éléments principaux, toutes les poches principales de l’œuf de l’oiseau sont donc retrouvées dans l’œuf du mammifère, et notre proposition est démontrée : Tout œuf (l’œuf du mammifère et celui de l’oiseau, l’œuf du vivipare et celui de l’ovipare), tout œuf est composé de même.