Orgueil et Prévention (1822, ré-édition 1966)/46

La bibliothèque libre.
Traduction par Eloïse Perks.
Librairie commerciale et artistique (p. 279-288).

chapitre 46


Élisabeth avait été fort désappointée en ne trouvant point une lettre d’Hélen à son arrivée à Lambton, et cette contrariété s’était renouvelée, les deux jours suivants, mais le troisième ses plaintes cessèrent, et sa sœur fut justifiée par la réception de deux de ses lettres à la fois ; l’une d’elles avait été fort longtemps en route, ce dont Élisabeth ne fut nullement surprise, car l’adresse était presque indéchiffrable.

Ils se préparaient tous trois à s’aller promener lorsque les lettres arrivèrent ; M. et Mme Gardener laissèrent leur nièce les lire à son aise, et partirent seuls. Celle qui avait été égarée doit d’abord fixer notre attention ; il y avait cinq jours qu’elle était écrite ; le commencement contenait un récit de visites, de soirées, et autres nouvelles semblables, mais la dernière partie, datée d’un jour plus tard, et écrite d’une manière qui prouvait toute l’agitation d’Hélen, apprenait quelque chose de plus important. Elle était ainsi conçue :

« Lorsque j’ai fermé cette lettre il y a quelques heures, je ne m’attendais guère, chère Lizzy, qu’un événement aussi fâcheux qu’inattendu me forcerait à la rouvrir, mais je crains de vous alarmer, soyez assurée du moins que nous sommes tous en bonne santé ; ce que j’ai à vous dire concerne la pauvre Lydia. Un exprès nous est venu hier fort tard, de la part du colonel Forster, nous apprendre qu’elle était partie pour l’Écosse avec un des officiers du régiment ; je ne puis vous taire la vérité. Wickham est cet officier ; jugez combien notre surprise fut grande ! Cependant, cela ne parut point si extraordinaire à Kitty ; je suis vraiment bien chagrine. Un mariage si imprudent des deux côtés ! mais je veux espérer mieux, et croire qu’on avait jugé W… trop sévèrement. Il est sans doute étourdi, inconséquent, mais cette démarche, et cela nous doit quelque peu consoler, n’annonce point un mauvais cœur ; son choix du moins est désintéressé, car il ne saurait ignorer, que mon père ne peut rien donner à Lydia : notre pauvre mère est bien affligée ; mon père prend la chose plus tranquillement ; combien nous devons être satisfaites maintenant de ne les avoir point instruits de ce qui a été dit au sujet de Wickham. Il faut l’oublier nous-mêmes ; on croit qu’ils sont partis, le samedi vers minuit, mais on ne s’en est aperçu que le lendemain à l’heure du déjeuner, et un exprès nous fut aussitôt envoyé. Chère Lizzy ! ils ont dû passer à dix milles de Longbourn. Le colonel Forster arrive ici aujourd’hui ; Lydia a écrit un mot à Mme Forster, lui faisant part de ses intentions ; je me vois forcée de vous quitter, ma pauvre mère me fait appeler : adieu, je ne sais trop ce que j’écris. »

Sans se donner le temps de la réflexion, ne sachant même ce qu’elle éprouvait, Élisabeth en finissant cette lettre, ouvrit l’autre avec vivacité, et lut ce qui suit :

« Vous devez maintenant avoir reçu, ma chère sœur, la lettre que je vous écrivis, à la hâte, avant-hier matin ; j’espère que celle-ci sera un peu plus intelligible, mais bien que je ne sois point pressée par le temps, ma pauvre tête est si troublée que je ne puis répondre de m’expliquer fort nettement… Chère Lizzy ! je me vois encore obligée de vous apprendre une mauvaise nouvelle. Ô Dieu ! que ne puis-je vous la cacher ! mais cela est impossible ; quelque imprudent qu’eût été le mariage de notre pauvre Lydia avec M. Wicham, nous sommes forcés cependant de regretter à cette heure qu’il nit point eu lieu, car il n’y a que trop de raisons de craindre qu’ils ne soient point allés en Écosse. Le colonel Forster est arrivé ici hier matin, ayant quitté Brighton le jour précédent, quelques heures après l’exprès, quoique la lettre de Lydia à Mme Forster annonçât positivement

qu’ils se rendaient à Gretna-Green. Quelques doutes exprimés à ce sujet par le capitaine Denny, ayant été communiqués au colonel Forster, celui-ci en prit aussitôt l’alarme, et quitta Brighton dans le dessein de découvrir la route qu’ils avaient prise ; il les suivit facilement jusqu’à Clapham, mais là tout indice lui manqua, car à l’entrée de cette ville, les fugitifs avaient pris un fiacre et renvoyèrent la chaise de poste qui les avait amenés d’Epsom ; et tout ce qu’il a pu apprendre, c’est qu’on les a vus suivre la route de Londres. Je ne sais vraiment qu’en penser ; après avoir fait toutes les recherches imaginables de ce côté-là, le colonel F. revint vers Herfortshire, les renouvelant encore à toutes les barrières et à chaque auberge dans Barnet et Halfield, mais inutilement. Désespérant alors de pouvoir les découvrir, il vint à Longbourn nous faire part de ses craintes, d’une manière qui fait honneur à sa sensibilité. Je souffre vraiment pour lui et sa femme, mais personne ne peut les blâmer. Notre malheur, chère Lizzy, est bien grand, mon père et ma mère mettent tout au pis ; quant à moi, je ne puis penser aussi mal de Wickham ; plus d’un motif peut les engager, ce me semble, à se marier secrètement à Londres, plutôt que de suivre leur premier projet, et même si Wickham était capable de former un pareil dessein sur une jeune personne, appartenant à une famille comme la nôtre, ce qui n’est guère probable, peut-on supposer que Lydia soit assez étrangère à tout sentiment d’honneur et de vertu pour…, cela est impossible ! Je suis cependant bien chagrine, de voir que le colonel Forster ne croit point à leur mariage : lorsque hier soir je lui parlai de mes espérances, me regardant d’un air affligé, il me répondit qu’il craignait bien que Wickham ne fût pas un homme sur lequel on pût compter. Notre pauvre mère est vraiment malade, elle garde le lit ; quant à mon père, je ne l’ai, de ma vie, vu si affecté. Je suis vraiment aise, chère Lizzy, que vous n’avez point été présente à ces scènes si pénibles, mais maintenant que le premier moment est passé, je dois avouer l’impatience avec laquelle j’attends votre retour. Je ne suis point assez égoïste cependant pour le demander. Si vous deviez en être trop contrariée, adieu. Je reprends la plume pour me contredire moi-même, en faisant ce que je vous disais ne vouloir point faire, mais les circonstances sont telles, que je ne puis m’empêcher de vous conjurer tous de revenir ici, le plus tôt possible ; je connais si bien mon oncle et ma tante, que je ne crains point de leur demander cette grâce. Mon père part à l’instant même pour Londres, avec le colonel Forster, afin de chercher à découvrir où est Lydia : ce qu’il compte faire pour cela, voilà ce que j’ignore ; mais sa douleur est si grande, qu’elle ne lui permettra pas de prendre les moyens les plus sûrs, et les plus prudents ; et le colonel F. est obligé d’être de retour à Brighton, demain soir. Dans un tel moment, combien les conseils de mon oncle seraient nécessaires ! Il peut facilement comprendre ce que je dois éprouver, et je compte entièrement sur sa bonté et sa tendresse pour nous. »

« Ô ciel ! où est mon oncle ? » s’écria Élisabeth, se levant comme elle finissait la lettre, impatiente de le suivre, sans perdre un moment d’un temps aussi précieux. Mais, comme elle approchait de la porte, un domestique l’ouvrit, et M. Darcy parut. La pâleur, l’air agité d’Élisabeth le firent tressaillir et, avant qu’il pût se remettre assez pour parler, elle, que l’idée de la situation de sa sœur absorbait tout entière, dit avec vivacité : « Excusez-moi, mais je suis forcée de vous quitter, il faut que j’aille trouver M. Gardener : je n’ai pas un instant à perdre.

— Ô ciel ! qu’est-il donc arrivé » ? demanda-t-il avec plus de sensibilité que de politesse. Alors, se remettant, il ajouta : « Je ne vous retiendrai pas une seconde, mais laissez-moi, laissez le domestique aller chercher M. et Mme Gardener, vous n’êtes pas assez bien ; vous ne pouvez y aller vous-même. »

Élisabeth hésitait, mais, tremblante et agitée, elle sentit combien elle gagnerait peu en cherchant à les rejoindre. Rappelant donc le domestique, elle lui ordonna, quoique d’une voix si émue qu’on pouvait à peine l’entendre, d’aller sur-le-champ chercher ses maîtres.

Lorsqu’il eut quitté l’appartement, elle s’assit ne pouvant plus se soutenir, et parut si malade, que Darcy ne put se résoudre à la quitter. La regardant avec la plus douce compassion, il lui dit :

« Permettez-moi d’appeler votre femme de chambre. Si vous preniez quelque chose, cela vous soulagerait peut-être… Vous êtes vraiment bien malade.

— Non, je vous remercie, répondit-elle, s’efforçant de se remettre, je n’ai rien ; je ne suis point indisposée, mais je reçois à l’instant une lettre de Longbourn qui m’apprend une nouvelle des plus affligeantes. »

Ici, elle fondit en larmes, et fut pendant quelques instants incapable de prononcer un seul mot. Darcy, dans la plus cruelle incertitude, la regardait, voulait en demander davantage, n’osait le faire, et ne put que dire quelques paroles incohérentes sur la part qu’il prenait à sa peine. Enfin elle rompit le silence : « Je viens de recevoir une lettre d’Hélen qui m’annonce une affreuse nouvelle… On ne peut la cacher à personne. Ma plus jeune sœur a quitté sa famille ; elle s’est enfuie avec M. Wickham : ils sont partis ensemble de Brighton. Vous le connaissez trop bien pour ne pas tout craindre. Elle n’a point de fortune, aucune protection, rien enfin qui puisse l’engager à l’épouser… Elle est perdue pour jamais ! »

Darcy demeura immobile d’étonnement.

« Quand je considère, ajouta-t-elle, d’une voix encore plus émue, que j’aurais pu éviter ce malheur, moi qui connaissais Wickham… Oh ! que n’ai-je dit à mes parents un mot, un seul mot de ce que je savais sur son compte ! Si son caractère avait été bien connu, tout cela ne serait pas arrivé, mais, hélas ! il n’est plus temps, le mal est fait.

— J’en demeure consterné, s’écria Darcy. Mais dites-vous bien vrai ? Ne vous abuse-t-on point ?

— Hélas ! non ; ils sont partis ensemble de Brighton dimanche soir ; on n’a pu les suivre que jusqu’à Londres : ils ne sont certainement pas allés en Écosse.

— Et qu’a-t-on fait ? Quels moyens a-t-on pris pour la rendre à sa famille ?

— Mon père est allé à Londres, et Hélen a écrit pour prier mon oncle de venir l’aider de ses conseils et j’espère que dans une heure nous serons en route. Mais toute démarche est inutile, je ne le sais que trop bien : comment rendre un tel homme raisonnable ? Comment même pourra-t-on les découvrir ? Je n’ai aucun espoir : de toute manière, c’est un événement bien cruel. »

Darcy l’écoutait en silence.

« Lorsque mes yeux ont été ouverts sur son caractère, si j’avais su ce que je devais, ce que je pouvais faire… Mais j’ignorais s’il m’était permis… J’ai craint d’en trop dire… Trop malheureuse discrétion ! »

Darcy ne fit pas de réponse ; il paraissait même ne l’entendre plus, et se promenait dans la chambre absorbé dans ses réflexions. Son regard était fixe, son air sombre. Élisabeth s’en aperçut bientôt, et en comprit à l’instant la cause : son pouvoir sur lui s’évanouissait. Une semblable preuve de faiblesse, chez une si proche parente, le déshonneur qui en résultait pour toute la famille, détruisaient en lui tout sentiment d’intérêt, de bienveillance. Elle ne put ni s’en étonner, ni le blâmer. Mais la victoire qu’il remportait sur lui-même n’était pas ce qui pouvait le mieux adoucir le chagrin d’Élisabeth ; au contraire, cette persuasion lui fit, pour la première fois, comprendre l’étendue de ses propres désirs, et jamais elle n’avait si bien senti qu’elle n’aurait pu l’aimer qu’en ce moment, où tout sentiment de tendresse lui était à elle-même défendu.

Mais si cette nouvelle pensée lui fit une vive impression, elle ne put cependant l’occuper que peu d’instants : la position humiliante de Lydia, la honte, le chagrin dont elle abreuvait toute sa famille, souvenirs déchirants ! absorbèrent en elle tout intérêt personnel. Se couvrant la figure de son mouchoir, Élisabeth perdit bientôt toute autre pensée ; et ce ne fut qu’après une pause assez longue qu’elle fut rappelée à elle-même par la voix de Darcy, qui, d’un air à la fois mêlé de compassion et de gêne lui dit :

« Je crains de vous avoir fait désirer trop longtemps mon absence, mais que puis-je dire en excuse de mon importunité ?

sinon que, vous voyant malade, affligée, je n’ai pensé qu’à votre douleur. Plût à Dieu qu’il dépendît de moi de dire ou de faire quelque chose qui pût adoucir un si cruel malheur ! Mais je ne veux point vous fatiguer par de vaines déclarations, qui sembleraient n’être exprimées que pour demander vos remerciements. Cette malheureuse affaire privera je le crains, ma sœur, du plaisir de vous posséder aujourd’hui à Pemberley.

— Hélas ! oui. Ayez la bonté de nous excuser auprès de Mlle Darcy ; dites-lui qu’une affaire importante nous oblige à retourner sur-le-champ à Longbourn. Cachez la triste vérité aussi longtemps que possible ; elle ne sera que trop tôt connue. »

Il l’assura de sa parfaite discrétion, lui exprima encore toute la part qu’il prenait à sa peine, et son espoir que cette affaire se terminerait enfin plus heureusement qu’on n’avait alors raison de le croire ; et, l’ayant priée d’offrir ses respects à M. et Mme Gardener, un regard, qui trahissait son émotion, fut son unique adieu.

Comme il quittait l’appartement, Élisabeth sentit combien il était peu probable qu’ils se revissent jamais avec cette douce cordialité qui avait marqué leurs différentes entrevues dans Derbyshire, et, tout en retraçant à sa mémoire les diverses circonstances de leur liaison, si pleines de contrariétés et de changements, elle soupirait, et s’efforçait de se cacher à elle-même l’émotion que ce souvenir lui faisait éprouver.

Si la reconnaissance, si l’estime sont les bases véritables d’un attachement sincère, le changement des sentiments d’Élisabeth ne doit pas paraître improbable ; mais s’il en est autrement, si une inclination fondée sur de pareils motifs est déraisonnable et peu naturelle, comparée à celle qu’on dépeint si souvent, comme provenant d’une première entrevue, Élisabeth n’aurait aucune excuse, sinon que l’essai fait par elle de cette première méthode dans sa partialité pour Wickham, et son peu de succès, l’autorisait peut-être à chercher un mode d’attachement un peu plus réfléchi. Enfin, que chacun en décide selon son bon plaisir ; ce qu’il y a de certain, c’est qu’elle le vit partir à regret, et que cette peine si soudaine de l’effet que devait produire le déshonneur de Lydia, accrut encore son angoisse. Jamais, depuis la lecture de la seconde lettre d’Hélen, elle n’avait espéré un instant que Wickham voulût épouser Lydia ; elle pensait que personne autre qu’Hélen ne pouvait se flatter d’un tel espoir. En lisant la première lettre, son étonnement, il est vrai, était extrême. Comment Wickham se décidait-il à épouser une femme sans fortune ? Comment Lydia avait-elle su se faire aimer de lui ? Mais tout cela maintenant ne lui paraissait, hélas ! que trop naturel. Pour inspirer un attachement de ce genre, elle possédait sans doute assez de charmes, et bien qu’elle ne supposât pas que Lydia se fût décidée à s’enfuir avec lui sans avoir le projet de l’épouser, elle pensait aussi qu’elle n’avait ni assez de vertu, ni assez d’esprit pour résister longtemps à un si habile séducteur.

Elle ne s’était jamais aperçue, pendant que le régiment résidait à Meryton, que Lydia eût aucune inclination pour Wickham, mais elle pensait dès lors qu’elle était susceptible de s’attacher à celui qui lui présenterait le premier son hommage : tantôt un officier, tantôt un autre avait été son idole, selon que leurs attentions pour elle étaient plus ou moins marquées ; et son imagination ardente, errante d’objet en objet, n’était cependant jamais restée oisive. Oh ! combien Élisabeth sentait vivement à cette heure le mal que des parents trop indulgents avaient fait à son imprudente sœur !

Elle mourait d’impatience d’être à Longbourn, de voir… d’entendre… d’être sur les lieux… de partager avec Hélen les soins nombreux qui l’occupaient seule dans une maison si en désordre… Un père absent, une mère malade, et qui exigeait une assiduité continuelle ; et bien qu’elle fût persuadée que rien ne pouvait être fait pour Lydia, la présence de son oncle lui paraissait de la plus haute importance ; et jusqu’au moment où il entra dans la chambre, l’inquiétude d’Élisabeth fut bien pénible. M. et Mme Gardener revinrent à la hâte, supposant, d’après le récit du domestique, que leur nièce se trouvait indisposée, mais les ayant rassurés

sur ce point, elle leur apprit la raison pour laquelle elle les avait fait appeler, en leur lisant à haute voix les deux lettres d’Hélen. Encore que Lydia ne leur eût jamais été tort chère, M. et Mme Gardener ne pouvaient qu’être vivement affectés, car non seulement Lydia, mais toute la famille se trouvait enveloppée dans cette disgrâce ; et, après les premières expressions de surprise et de douleur, M. Gardener promit, de grand cœur, d’aider la famille dans tout ce qui dépendrait de lui. Élisabeth, quoiqu’elle ne se fût attendue à rien de moins, lui exprima de la manière la plus tendre, sa vive reconnaissance ; tous les trois étant animés du même désir, ce qui concernait leur départ fut bientôt arrêté.

« Mais que faire au sujet de notre invitation à Pemberley ? dit Mme Gardener. John nous a dit que M. Darcy était avec vous lorsque vous nous avez envoyé chercher ; cela est-il vrai ?

— Oui, et je lui ai dit que nous nous trouvions forcés de manquer à notre parole ; cette affaire est terminée.

— Quelle affaire est terminée ? répétait sa tante en courant dans sa chambre se préparer au départ. Se pourrait-il qu’ils fussent assez bien ensemble pour qu’elle lui pût confier la vérité ? Oh, que ne le puis-je savoir ! »

Mais les souhaits étaient vains, ou du moins ils ne pouvaient servir qu’à la distraire pendant l’heure qui précéda leur départ. Si Élisabeth avait eu le temps d’être oisive, elle serait demeurée convaincue que toute occupation était impossible à quelqu’un aussi malheureux qu’elle ; mais, comme sa tante, elle avait plus d’une chose à faire, et entre autres il fallait écrire à tous leurs amis de Lambton, afin de colorer, par quelques prétextes, un départ si soudain. Une heure cependant suffit à ce soin, et Élisabeth, après tout l’ennui et le tourment de la matinée, se trouva dans un plus court espace de temps qu’elle ne l’avait espéré, assise dans la voiture et sur la route de Longbourn.