Ornithologie du Canada, 1ère partie/La Chouette Grise du Canada

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Atelier typographique de J. T. Brousseau (p. 33-34).

LA CHOUETTE GRISE DU CANADA.[1]
(Barred Owl.)


[2] L’oiseau de nuit, quittant sa pose taciturne,
S’envole en tournoyant et sa clameur nocturne
Se perd dans la forêt avec le bruit du vent ;
La brise rit encore au feuillage du tremble,
Le ciel sourit à l’onde et chaque étoile tremble,
Dans chaque vague au pli mouvant.

(L’Iroquoise du Lac St. Pierre.)

Autre espèce assez commune en nos climats en automne : elle niche dans les trous des arbres où elle pond deux œufs. La Baie d’Hudson est le pays natal de cette grande Chouette. Son plumage est brun, tacheté de blanc ; le ventre et les plumes inférieures de la queue sont d’un blanc sale, rayé de brun ; la queue est courte, — barrée de brun et de blanchâtre. Le bec est jaune, — taille, dix-huit pouces. Le caractère distinctif de cette espèce consiste dans les raies qui sont transversales sur la poitrine et longitudinales sur le ventre. Grand mangeur de poulets, souris, lapins et grenouilles, on la dit à la Louisiane, piscivore. « Son cri est un waah, waahha, qu’on est tenté, dit Audubon, de comparer au rire affecté d’un fashionable. Combien de fois, dans mes excursions lointaines, étant campé sous les arbres, et me disposant à faire rôtir une tranche de venaison ou un écureuil, au moyen d’une branche, n’ai-je pas été salué du rire de ce perturbateur nocturne. Il s’arrêtait à quelques pas de moi, exposant tout son corps à la lueur de mon feu et me regardait d’une si bizarre manière, que, si je n’avais pas craint de passer pour fou à mes propres yeux, je l’aurais invité poliment à venir partager mon souper. On le rencontre dans tous les bois isolés, même en plein jour et aux approches de la nuit. S’il y a apparence de pluie, il se met à rire plus fort que jamais ; son waah, waaha pénètre dans les retraites les plus reculées, et ses camarades lui répondent avec des tons étranges et discordants ; on serait tenté de croire que la nation des Hiboux célèbre une fête extraordinaire. Lorsque l’on s’approche d’un de ces oiseaux, ses gestes deviennent d’une bizarrerie inexprimable, son attitude droite change, il baisse la tête et incline son corps ; les plumes de sa tête se hérissent et l’enveloppent comme d’une fraise ; il roule ses yeux comme un aveugle et exécute avec son cou des mouvements anguleux comme s’il était disloqué. Il suit pendant tout ce manége les moindres mouvements de l’étranger et, s’il soupçonne de mauvaises intentions, il s’envole, puis s’arrête le dos tourné, fait subitement volte-face, comme un conscrit qui apprend l’exercice et recommence à examiner l’inconnu qui s’approche de lui. Si l’on tire sur lui et qu’on le manque, il fuit au loin et, quand il a gagné le large, il fait entendre son éclat de rire avec pompe. Pendant le jour, il se laisse assaillir par les petits oiseaux, et semble saisi de frayeur ; si un écureuil s’approche de lui, il prend la fuite devant ce timide animal, qu’il va manger tout à l’heure, aussitôt que le soleil sera couché. »

Dimensions, 18 × 40.


  1. No. 54. — Syrnium Nebulosum. — Baird.
    Syrnium Nebulosum. — Audubon.
  2. Délicieuse romance canadienne inédite qu’un jeune poëte national plein d’avenir, L. H. Fréchette, vient de dédier à l’Honble. Jos. Cauchon.