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Ornithologie du Canada, 1ère partie/Le Goglu — L’Ortolan de riz

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Atelier typographique de J. T. Brousseau (p. 275-277).


Le Goglu est célèbre, sinon pour la douceur, du moins pour la bizarrerie et l’étendue de son chant. On distingue très bien le mâle le printemps et l’été par le blanc couleur de crème qu’il a sur la tête, sur les ailes et sur le croupion.

Peu de prairies, peu de champs de foin en Canada au printemps, qui ne contiennent le nid de deux ou trois couples de Goglus.

Dès leur arrivée, qui a lieu autour de Québec, vers le vingt-quatre de mai, la femelle commence les préparatifs de la nidification ; pendant ce temps, le mâle ne cesse de faire entendre sa voix vibrante, métallique et harmonieuse. Le nid est bâti dans l’herbe des prairies ; il se compose de feuilles, de foin sec ; il est tapissé à l’intérieur de matériaux flexibles. Les œufs sont au nombre de cinq, bleu-blanc, et les jeunes pendant la première année ont le plumage de leur mère. Les accents du mâle pendant la période de l’incubation sont fort agréables, malgré les sons discordants dont ils se composent. Planant au-dessus du pré verdoyant repose sa jeune famille et où convergent toutes ses affections et trémoussant de tout son corps, il donne libre cours à une mélodie dont les notes, rapides, liquides, saccadées, joyeuses ressemblent au chant réuni de plusieurs oiseaux de la même espèce. Une personne qui toucherait au hasard et rapidement les clefs hautes et basses d’un piano, tout en tirant autant de sons hauts et bas que possible, donnerait une idée faible mais approchante du thème musical du Goglu, à coup sûr l’un des musiciens les plus connus et les mieux appréciés en Canada. Le Goglu possède des notes admirables, mais il les répète si rapidement qu’on peut à peine les distinguer. Néanmoins quand plusieurs Goglus chantent à la fois, l’effet est frappant. Par une belle matinée de mai, allez entendre sept ou huit Goglus, perchés ensemble, à la cime de ces grands ormes isolés, ou de ces beaux érables destinés à ombrager les troupeaux à la campagne : écoutez-les lutter d’harmonie et faire résonner les échos d’alentour de leur voix retentissante.

Ce chant varie chez les individus. Wilson le traduit par les mots, any kang kang keekle-ee-kekelek keelek-ilik-any kang, répété avec une rapidité extrême, chaque note à la fin enjambant sur la suivante. Il arrive souvent que le Goglu recommence plusieurs fois sa chansonnette avant d’arriver à la fin, comme s’il s’efforçait de se la rappeler. En mai, juin et juillet, cet oiseau couvre tout le nord du continent. En août, le mâle endosse la livrée de la femelle et son chant cesse entièrement. Au commencement de l’automne, dans certaines localités, ces oiseaux se réunissent en bandes ; puis ils émigrent par légions vers le sud et aux Antilles. Le Goglu qui au printemps faisait la joie du paysan, par son humeur enjouée et ses concerts, devient l’automne le fléau de l’agriculteur, dans le sud des États-Unis. Les Goglus s’abattent alors par milliers dans les champs de blé et les plantations de riz, qu’ils saccagent ; leur cri est alors bref, chink chink ; une guerre d’extermination s’ensuit. On les tue au fusil ; on les mange avidement : ils ne sont qu’une boule de graisse. Le Goglu, pris en mai, oublie vite, dans la volière, les douceurs de la liberté : on le nourrit au pain et au lait et au millet ; mais le pain et le lait, pour le Goglu comme pour un grand nombre d’oiseaux granivores, sont la nourriture la plus propice qu’on puisse leur donner en captivité. Le chanvre les engraisse trop. Le chant du Goglu s’améliore lorsqu’on le met dans le voisinage d’un serin. En cage, il commence à chanter à la fin de décembre, si on le place dans une chambre bien éclairée en face du soleil levant ; il continue de chanter jusqu’à la fin de juillet. Il est fort recherché en Canada comme oiseau de volière ou de cage.

Le Goglu a le bec court, trapu et conique ; les narines petites et elliptiques ; le ventre, la poitrine, le dessous de la queue, d’un noir lustré chez les mâles ; le sommet de la tête, le dessous des ailes et le croupion, couleur de crème ; les griffes fortes et longues.

La femelle a le plumage entier d’un jaune verdâtre mélangé de blanc et de brun : chez elle, point de noir foncé, ni de couleur de crème comme les mâles. Longueur totale, 7; envergure, 11.


  1. No. 399. — Dolychonix Orizivorus. — Baird.
    Dolychonix Orizivora.Audubon.