Ornithologie du Canada, 1ère partie/Quelques mots sur les Volières

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Atelier typographique de J. T. Brousseau (p. 389-391).

QUELQUES MOTS SUR LES VOLIÈRES.


J’eus toujours de l’amour pour les choses ailées.
Lorsque j’étais enfant, j’allais sous les feuillées,
J’y prenais dans les nids de tout petits oiseaux.
D’abord je leur faisais des cages de roseaux
Où je les élevais parmi des mousses vertes.
Plus tard je leur laissais les fenêtres ouvertes.
Ils ne s’envolaient point ; ou, s’ils fuyaient aux bois,
Quand je les rappelais ils venaient à ma voix.
Une colombe et moi longtemps nous nous aimâmes.
(Les Rayons et les Ombres).

Lecteur, après avoir admiré avec nous cette strophe de Victor Hugo, qui vous reporte aux heures roses de votre jeunesse, si vous avez été élevé à la campagne, permettez que nous vous disions un mot sur les Volières.

Une jolie collection d’oiseaux chanteurs, et pour ainsi dire libres dans leur captivité ; un aquarium où de beaux poissons dorés et argentés se jouent et circulent prestement autour de brillants coquillages, au sein desquels des plantes aquatiques prennent racines et laissent épanouir leurs corolles à la surface, voilà certes deux des ornements les plus propres à ajouter un charme nouveau aux charmes nombreux de nos belles résidences canadiennes.

On a fait en ce pays, plusieurs tentatives de réunir dans des Volières nos oiseaux indigènes doués du chant ou de livrées éclatantes : ces essais bien minimes comparés à ce qui se pratique en France, en Angleterre, en Allemagne, ont néanmoins obtenu une entière réussite. Aux amateurs fixés à la campagne, nous croyons devoir conseiller d’abord l’érection d’un local en plein air, pour leurs favoris, pendant la belle saison ; plus tard, ces derniers devront être hébergés dans un appartement tempéré, sous le toit domestique et ayant vue si c’est possible, vers l’Orient, afin qu’ils reçoivent les rayons du soleil levant.

Un réduit en plein air de douze pieds sur toutes ses faces, entouré d’un treillis en fil de fer avec fenêtres mouvantes, voilà une structure peu dispendieuse et suffisante. Le propriétaire peut en varier le plan, le dessin ou les ornements, d’après son goût ; au lieu d’une charpente en bois, nous recommandons de petits supports en fer comme plus durables, plus jolis et plus sûrs. Ayez soin de ne peindre les pans de la volière qu’avec un enduit où il n’y ait pas de poison minéral ; la peinture verte est mortelle ainsi que la peinture blanche ; la térébenthine tue les oiseaux. Il est prudent de laisser écouler au moins un mois après le peinturage, avant de mettre les oiseaux dans la volière. Des sapinages verts comme perchoirs sont fort jolis, mais ils fournissent une échelle aux rats, aux souris, aux belettes pour atteindre et égorger vos chantres ailés. Des juchoirs suspendus par des fils de laiton sont bien préférables et plus sûrs. Si vous tenez à conserver intacts vos captifs, de grâce donnez à leur demeure un pavé de brique, maçonné et à l’épreuve des rongeurs que nous venons de mentionner. Faute de cette précaution, notre volière nous offrit un bon matin, un spectacle navrant ; un spectacle dans le genre de celui que la caverne des Arabes d’Algérie a dû présenter le lendemain du supplice que le général Pelissier leur fit subir ; en un mot, c’était un vrai massacre : vingt cadavres jonchaient le pavé. Une souris inhumaine et pour le seul plaisir de déguster les cervelles de ces innocents, avait perpétré cet odieux attentat.

Le pavé de la volière doit être constamment recouvert de sable. Un jet d’eau vive, au milieu de l’abreuvoir, alimenté par une citerne ou par l’aqueduc, au moyen d’un robinet qu’on ouvre et qu’on ferme à volonté, tend beaucoup à l’ornementation de la volière et à la santé des oiseaux en leur offrant une eau fraîche et délectable. La propreté est le point capital à observer si l’on veut avoir des oiseaux sains, forts et beaux chanteurs. Des oiseaux malpropres chantent peu et ne vivent pas.

Le toit de la volière devra déborder de quelques pouces, et les oiseaux devront pouvoir se protéger à volonté contre les rayons du soleil.

Quelques amateurs ne réunissent dans leurs volières que les mâles de chaque espèce : ces célibataires forcés, disent-ils, étant exempts des soins de la famille, se consacrent entièrement aux arts d’agrément, et cultivent sans cesse leur voix. Nous avons au contraire vu des volières où les sexes étaient également partagés et dont les habitants chantaient à ravir.

Entre autres amateurs, l’honorable Wm. Sheppard, avait construit ces années dernières à Woodfield près Québec, (maintenant la propriété de Mme  J. Gibb) une volière fort spacieuse, où un grand nombre d’oiseaux indigènes au Canada, mêlés à des espèces européennes, vivaient ensemble dans une admirable harmonie. Les oiseaux suivants distingués pour leur chant et leur plumage feraient une jolie collection.

Baltimores, Étourneaux aux ailes rouges,
Oiseaux bleus, Goglus,
Serins, Linottes d’Angleterre,
Chardonnerets, Oiseaux rouges,
Merles, Grives des Bois,
Pinsons chanteurs, Rossignols des Guérets,
Pinson à couronne blanche, Pinsons à poitrine blanche,
Jaseurs du cèdre, Ortolans canadiens. — Alouettes de Virginie.

Nous ne connaissons en ce genre qu’une chose qui serait préférable à une volière ; ce serait la réalisation en Canada de l’idée que Toussenel développe comme suit :

« Je sais une maison du bon Dieu, sur les bords fortunés de l’Indre, où tous les petits oiseaux hivernants, bouvreuils, pinsons, chardonnerets, rouges-gorges, sont habitués de père en fils et de temps immémorial à trouver chaque soir un asile dans une orangerie immense qu’on leur ouvre à heure fixe. Il faut entendre la bande mutine murmurer d’impatience et cogner aux vitres avec rage, pour peu que l’ouvreur soit en retard de quelques minutes seulement. »