Oxford (Verlaine)

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Œuvres posthumesMesseinPremier volume (p. 62-63).

OXFORD


Oxford est une ville qui me consola,
Moi rêvant toujours de ce Moyen Âge-là.

En fait de Moyen Âge, on n’est pas difficile
Dans ce pays d’architecture un peu fossile

À dessein, c’est la mode et qui s’en moque fault,
Mais Oxford c’est sincère, et tout l’art y prévaut ;

Mais Oxford a la foi, du moins en a la mine
Beaucoup, et sa science en joyau se termine,

En joyau précieux, délicieux : les cieux
Ici couronnent d’un prestige précieux

L’étude et le silence exigés comme on aime,
Et la sagesse récompense le problème,

La sagesse qu’il faut, cette douce raison,
Que la Cathédrale termine en oraison.


Sous les arceaux romans qui virent tant de choses,
Et les rinceaux gothiques, fins d’apothéoses

De Saints mieux vénérés peut être qu’on ne croit,
Et mon cœur l’humilie et mon désir s’accroit

De devenir et de redevenir, loin d’elle,
Cette cité glorieuse d’être infidèle,

Paris ! l’enfant ingrat qui s’imaginerait
Briser les sceaux sacrés et tenir le secret —

De devenir ou de redevenir la chose
Agréable au Seigneur, quelle qu’en soit la cause,

Et par cela même être encore doux et fort,
Ô toi, cité charmante et mémorable, Oxford !


Novembre 1893.