Péché d’orgueil (Brassard)/16
CHAPITRE xvi
Le bal annoncé battait son plein. Le coup d’œil était féerique.
Enchevêtrés de serpentins multicolores, noyés de lumières, les danseurs s’en donnaient à cœur joie. Nobles et roturiers se mêlaient dans une même valse, un même quadrille, un même cotillon. Les souliers de satin frôlaient les sabots de bois, le brocard voisinait avec le calicot, l’habit de cour avec la vareuse. L’accoutrement et les gestes des personnages étaient parfois cocasses. Un magistrat imposant badinait avec un apache, un Mathusalem défendrait son cornet de crème glacée contre les attaques d’un huguenot. Oubliant le caractère de ceux qu’ils personnifiaient, un Samson parlait de gouret avec un gladiateur, un Franklin et un Napoléon discutaient automobile. Une dame représentant la nuit s’entretenait de sa cure de bains de soleil avec une sirène. Des bergères à la Watteau passaient par groupes et leur babil, qui s’émaillait d’expressions empruntées au langage du flirt et du sport, prenait la tournure d’une conversation fort moderne.
On riait, badinait, se taquinait.
Grisé de jeunesse, un peu fou, on jouissait puissamment de cette vie factice d’un moment.
Deux hérauts venaient de fendre la foule en criant : Place ! Place ! Place ! Voici la reine des Champs !
Une magnifique chaise à porteurs s’avança et vint s’arrêter au milieu de la salle. Deux petits pages vêtus comme des coquelicots ouvrirent la portière, et, aux acclamations de l’assistance, on vit descendre une ravissante paysanne le visage enfoui sous une large capeline rouge, les bras remplis de fleurs.
On entoura l’arrivante.
— Un baiser pour moi, Marianne, suppliait un petit duc pédant.
— Ni pour vous, monseigneur, ni pour d’autre, mon mari m’attend quelque part dans cette fête, répondit-elle gracieuse.
— Où se trouve votre Jean-Pierre, lança un croisé belliqueux, que je lui frotte les oreilles ?
— Attention à vous, pourfendeur d’infidèles, vous pourriez recevoir une bastonnade, mon mari est très fort.
— Pourrait-il résister à ceci, demanda un lutteur romain, en exhibant ses biceps ?
— Je le crois, dit-elle, en jetant une fleur au fort-à-bras.
Un Pierrot, effronté, le visage enfariné, sans en demander la permission, saisit la paysanne par la taille et disparut avec elle dans le tourbillon d’une danse au son argentin de ses grelots.
— Ça valait la peine d’emprunter le prestige d’un de Guise, pour se voir rebuter par une fermière, se lamentait drôlement le petit duc.
— Vous n’êtes pas plus à plaindre que moi, reprit le croisé, penaud.
— Allons, fier chevalier, pas cette figure triste, dit une superbe Sarrasine ; un peu de danse, profitons de la trêve de Richard.
— Holà ! beau duc, fit une jolie bergère, votre bras, je vaux bien une fermière.
Les deux couples s’éloignèrent joyeux, pendant que le lutteur romain commençait à conter fleurette à une jolie cendrillon.
Pendant que l’on ovationnait la paysanne, une scène amusante se déroulait derrière un paravent chinois, posé près d’un sofa.
— Insolent ! disait une douairière scandalisée, à un grand diable noir qui venait de lui poser un baiser sur une joue, et une mouche sur l’autre, vous ne pourriez pas un peu vous laver, sale monsieur ?
— Mais, noble dame, c’est ma couleur naturelle !
— Enlevez-moi cette affreuse mouche !
— Ce n’est pas difficile, voici.
Et le charbonnier que nous avons reconnu, déposa un minuscule morceau de satin noir dans la main de la gardienne des blasons, interloquée.
— Altesse, si vous craignez les mouches, baissez votre voile. Mais pas à la mode des Turques : ne cachez pas votre bouche vermeille, elle est attirante.
— Pour ceux qui déposent des mouches ?…
— Malheureusement, je vois que vous détestez les charbonniers.
— Oh, reprit la douairière avec un rire très jeune, j’adore l’audace et les compliments et ceux qui s’en servent adroitement comme vous.
— Je suis confus, honoré…
— Vous êtes charmant, je vous prends à mon service.
— À vos ordres, madame.
— Présentez-vous à mon château demain.
— À quelle poterne devrais-je frapper ?
— Marquée à cet écusson.
Elle tendit un petit carnet à couverture de marocain rouge.
Le charbonnier y jeta les yeux, et eut une exclamation de surprise.
— Toi, Béatrice, sous cet accoutrement ! Je ne t’aurais jamais reconnue.
— Chut ! Il n’est pas encore temps d’enlever les masques.
— Béatrice, demanda Gilles taquin, pourquoi m’avoir donné ton adresse tout à l’heure, tu ne savais pas qui j’étais, tout à coup tu aurais eu affaire à Gaston Bendel. Vois-tu la gaffe ?
Elle se mit à rire.
— Je t’ai reconnu en te voyant…
— Ça ne vaut pas la peine de me déguiser, alors.
— Attention à ta démarche, c’est elle qui te vend.
— Mademoiselle m’observe, mâtin ! As-tu découvert quelques connaissances sous les masques ?
— Une toujours. Quand tu rencontreras une sirène aux écailles vertes et or, tu seras en présence de dame veuve Lebrun.
— Hum !… Coulante comme un poisson.
— Gilles, cette femme veut nuire à Alix, fit mademoiselle Vilet gravement, comment ? je l’ignore ; mais elle trame quelque chose.
— Moi, je le sais ; Luce veut tourner autour de Paul, marié, comme elle le faisait lorsqu’il était garçon. Mais comme elle n’a pas eu de succès alors, je me demande le but qu’elle poursuit aujourd’hui. Mais il n’y a pas lieu de s’alarmer. Quand Paul s’apercevra de son manège, je voudrais bien être là pour voir la manière dont il corrigera la belle rousse.
— Qu’il fasse attention, les sirènes sont dangereuses.
— Leurs sortilèges ne sont pas pour troubler Paul Bordier, il est comme moi, il ne les craint nullement. N’est-il pas lui aussi sous la protection d’une haute et noble dame ?
Et après un galant baise-main à la douairière, le charbonnier prit congé en riant.
— Combien vends-tu ton combustible, homme-taupe, demanda un archer masqué, en pêchant par le cou, quelques minutes plus tard, avec la corde bandée de son arc, notre charbonnier qui gesticulait au milieu d’un groupe de saltimbanques ; fais-tu partie de quelque trust d’affameurs de fournaises ?
— Aie ! ne m’étrangle pas, coureur de savanes… Je… je… Comment ! c’est toi Paul, je me demandais qui était ce Robin Hood assassin.
— Tu t’amuses ?
— Mieux, à présent que j’ai le cou libéré de ton carcan.
— As-tu eu des aventures sanglantes ?
— Non. Les gens sont paisibles.
— As-tu vu… Alix ?
— Je la cherche. Je ne sais du diable sous quel déguisement elle se cache. Je voudrais pourtant la découvrir avant qu’on donne l’ordre d’enlever les masques.
Ils regardèrent autour d’eux.
— Gilles, quelle est cette belle fermière, là-bas ?
— Où ça…
— Dans le coin de droite, au bras de l’Hindou casqué de diamants.
— Ah… j’y suis. Pristi, une superbe fille ! À elle seule, elle prêche le retour à la terre plus éloquemment que tous les pamphlets du Ministère de l’Agriculture. Paul, j’me fais colon, ajouta-t-il en s’éloignant.
— Où vas-tu ?
— Voir ma fermière. Ce fanatique d’Hindou n’a rien à faire auprès d’elle : il serait capable de lui suggérer de faire un jeûne à mort pour soulager Ghandi. Tu me suis ?
— De loin ; rien ne me presse.
En faisant son chemin pour aller trouver la paysanne, le passage rapide de Gilles fit un sillon noir parmi les toilettes éclatantes. Ce n’est pas sans s’être attiré des quolibets, que le charbonnier aborda la délicieuse fille des champs. Il se présenta à elle avec l’allure d’un débutant gêné.
— Belle fleur des plaines et des coteaux, dit-il, accorderez-vous à l’humble manieur de pic que je suis, le plaisir de danser avec vous ce soir, et demain, la permission d’aller vous visiter dans votre chaumière, et de mêler mes déclarations d’amour à ma demande en mariage ?
— Oh là là, jeune impudent, vous y allez rondement ! Et si je n’étais pas libre ? Tut ! pas un mot. Je vous accorderai peut-être une danse, cependant, monsieur le charbonnier, soyez assuré qu’à défaut d’amour, je vous serai compatissante. On vous dit batailleur, jeune homme sombre, et si quelque épée vient à vous percer la peau, je panserai volontiers vos blessures dans ma chaumière, ajouta-t-elle en soulevant le coin de son loup de velours.
— Alix ! je te cherchais parmi les plus somptueusement parées.
— Et tu me trouves sous la livrée des humbles. Après ce que tu m’as dit, n’avais-tu donc pas confiance en moi ?… L’habit appartient bien au moine, tu sais.
Gilles regarda sa sœur, ravi.
— Si tu savais le bonheur que tu me causes ! Et vois l’attirance que tu exerces. Malgré ta robe de deux sous, on te fait la cour. Tout à l’heure un nabad, et voici un grand seigneur, un roi et de France, ma foi, qui vient te présenter ses hommages. Je me sauve.
— As-tu vu Paul ?
Gilles fit signe que oui.
Le monarque s’inclinait :
— Ce soir, Fleur Champêtre, le roi soulève son diadème devant la capeline d’une paysanne, et demande à sa sujette d’appuyer sa main brune au bras de son souverain.
Alix exécuta une révérence à l’antique.
— Sire, dit-elle, je suis très honorée, et… très fatiguée. Je réclame le privilège de retourner dans ma chaumière.
— Pas avant un tour de danse, fit le roi en riant.
— Sa Majesté insiste peut-être pour son malheur ; qui lui dit que sous mon apparence honnête, je ne cache pas une férocité d’anarchiste…
— Qui vous dit, reprit-il sur un ton de confidence, que la couronne que je porte, m’appartient bien. Si vous me frappiez, vous recevriez une récompense du véritable roi régnant qui ne demande pas mieux que de se débarrasser de tous les prétendants à son trône, dont je suis du nombre.
Alix fut cruellement remuée par ces mots. Ils lui mettaient trop en mémoire un souvenir affreux. Elle parvint à dire à peu près calme :
— Je suis réellement fatiguée, et je ne veux plus danser ce soir, veuillez m’excuser, monsieur.
Alors comme le roi insistait, un archer intervint. Il s’était approché pendant le court dialogue. Aux paroles du pseudo-roi, il avait regardé la paysanne, et à peine ses yeux se furent-ils posés sur elle, qu’il tressaillit.
— Sire, dit-il avec effort, vous êtes fait pour commander, mais pour une fois obéissez à l’enfant des champs. Retournez à votre palais, ou… je ne réponds pas de mes flèches.
— Qui défendez-vous donc, brave Robin Hood, fit le monarque amusé ; la belle est partie ajouta-t-il en saluant.
L’archer tourna la tête à droite et à gauche, et ne vit plus la jolie capeline rouge. Il eut un geste impuissant.
Alix avait profité de l’intervention de l’archer pour s’esquiver. Maintenant, assise sur un siège caché par de hautes plantes vertes, le visage dans ses mains, elle contenait ses larmes à grand’peine, car devant ses yeux passait le roi barbu et masqué.
— Paul avoir cela… oh, non ! je lui fais injure… Je suis folle…
On criait :
— Bas les masques !
Elle se leva, électrisée. Savoir ! Ses prunelles brillantes fouillaient les visages à découvert. Soudain, du ciel coula dans son âme, elle venait de reconnaître son mari dans l’archer secourable. Légère comme un sylphe, elle le rejoignit ; pâle encore de la secousse ressentie, elle lui toucha le bras.
— L’agile Robin Hood accepterait-il la compagnie d’une fermière pour son retour vers sa forêt ?
Paul se retourna d’un bloc.
Alix ! dit-il à voix basse, oh, avoir pu vous éviter cela…
— N’en parlons plus. Que le fidèle défenseur de Cœur de Lion, me reconduise à ma chaumière.
— Et si la porte en était close, accepteriez-vous l’abri de mon chêne ?
La proposition la troubla à un tel point, que les mots lui manquèrent pour répondre.
Paul interpréta défavorablement son silence, il reprit plutôt froidement :
— Nous rentrons, n’est-ce pas ? Le bal est fini. Les masques sont tombés. La personnalité véritable de chacun réapparaît.
— Paul, je vous assure…
Elle ne put continuer. Béatrice et Gilles arrivèrent et se mirent à causer. Au même instant la veuve Lebrun s’approcha, onduleuse, vraiment ensorcelante dans son splendide costume. À chacun de ses mouvements, les écailles d’or jetaient des fléchettes de feu sur les écailles vertes. Elle rutilait.
— Ah, nous voilà au complet, s’écria-t-elle, enchantée de l’effet produit.
— Mes compliments madame, fit Gilles, votre travestissement est superbe. Voulez-vous une cigarette ? De votre séjour chez Neptune, les vôtres doivent être humides.
— Vous êtes gentil, merci. Et, ajouta-t-elle en aspirant la fumée de la cigarette acceptée, voyez donc comme chacun de nos costumes fait penser à quelque chose de poétique. La douairière habite un château ; la paysanne, les champs. Le charbonnier vit sous le gazon ; la sirène sous les eaux, et l’archer dans les bois. La prairie et la mer bordent, la forêt, je suppose, comme dans les contes de fées. Je me demande si ce sera le bruit de la faucille ou le chant de l’ondine qui charmera l’hôte des bosquets.
C’était si osé, qu’on resta interdit. Fière d’elle, Luce exultait, mais sa jubilation fut de courte durée. Paul fronça les yeux pour répliquer :
— Les choses réelles ont plus de valeur, madame, les gens sérieux s’en occupent. Vous représentez une chimère. Sans forfanterie, je me calcule du nombre des gens sérieux.
Elle resta estomaquée.
— Jetez quand même vos chants mélodieux, belle sirène, railla Gilles, leurs accents pénétreront peut-être jusqu’à moi et me sortiront des entrailles de la terre pour me faire accourir sur le rivage.
Luce était furibonde. Elle dit, contenant difficilement sa colère :
— Je ne saurais m’occuper d’un barbouillé de votre espèce. Que n’avez-vous mis un masque de singe, monsieur de Busques, on vous aurait pris pour le « missing link ».
— Le masque n’ajoute rien, chère madame, avertissez les darwinistes de votre découverte. Mais écrivez-leur, n’y allez pas, rapport aux méprises.
— Impertinent ! fit-elle, recouvrant sa maîtrise, je vous croyais bien élevé.
— Décidément, la soirée est aux pertes des illusions pour vous, dit-il en s’inclinant.
Elle le toisa dédaigneuse, et après un bonsoir bref, sans regarder Paul, elle s’éloigna. En passant près d’Alix, celle-ci ne put résister au désir de lui souffler :
— Quand vous voudrez parler divorce avec mon mari, à votre aise.
Elle fit comme si elle n’avait pas compris.
— Pfuit ! évanouie, dit Gilles avec le geste du gamin qui voit crever son ballon.
— Nous partons, demanda Alix, qui avait hâte de se retrouver seule.
— Mais oui, répondit Béatrice, arrivée en chaise-à-porteurs, ma chère, tu retournes en limousine. Voici ce que vaut le progrès.
On se sépara, Gilles reconduisant mademoiselle Vilet.
— Rentrez-vous chez votre tante, Alix, s’enquit Paul en prenant place à côté de sa femme dans l’automobile qui les ramenait de la fête ?
— Je le crois.
Sans une seule objection, Paul donna un ordre en conséquence au chauffeur.
— Que je suis lasse, se disait Alix quelques instants plus tard, assise sur son lit, et froissant distraitement sa capeline de mousseline. La jeune femme se mit à repasser les événements de la soirée. Si le souvenir de l’un d’entre eux lui fut pénible, l’incident causé par madame Lebrun, vint la consoler. Les paroles de Paul, en cette circonstance, avaient dû assez éclairer la veuve pour lui faire abandonner ses intrigues. Et c’était vrai. Luce, vexée et humiliée au suprême degré, avait envoyé promener l’architecte à tous les diables, en se promettant d’être plus pratique à l’avenir.
Cependant pour Alix, l’idée que son mari pourrait lui échapper par l’influence d’autres femmes, la tourmentait, et il allait s’éloigner.
II
Vers la mi-janvier, Paul partit pour les États-Unis, laissant Alix chez sa tante pour la durée de cette absence, soit le reste de l’hiver.
En faisant sa visite d’adieu aux siens, l’architecte trouva mauvaise mine à son père.
— Soignez-vous bien, dit-il à Étienne, vous semblez abattu.
— Ne t’inquiète pas, mon cher enfant, ce n’est rien. J’avoue être fatigué parfois, j’attribue cela au changement de climat.
— Consultez un médecin, mon père.
— Oh, tante Marie vaut tous les docteurs de la terre. À ton retour, tu me trouveras tout ragaillardi. Et quand reviens-tu ?
— Dans trois ou quatre mois, je ne sais au juste… Veillez sur Alix, père, ajouta-t-il la voix tremblante.
— Oui, oui… Va, mon petit, sois courageux…
Alix accompagna son mari à la gare. Ils se quittèrent comme des amis en bons termes.
Pendant que le rapide emmenait Paul, désespéré, outre frontière, Alix revenait chez sa tante, démoralisée.
— Vois, dit cette dernière, lorsque sa nièce entra, des fleurs sont arrivées durant ton absence.
Alix ouvrit la boîte enrubannée.
— Elles sont de Paul, dit-elle, regardez, ma tante comme elles sont belles.
— Oh les roses ravissantes !
— En voici pour vous, tante Eulalie, placez-les sur la table de votre boudoir.
— Merci, chère Alix. Mais tu te dépouilles…
— Oh non, il en reste beaucoup, je vais porter le reste dans ma chambre, tout de suite.
En plaçant les roses dans un vase plein d’eau fraîche, une des épines des tiges piqua Alix au doigt près de son alliance. Elle retira vivement sa main, puis se mit à regarder la goutte de sang qui sortait de la légère blessure, et qui grossissait près du rubis de sa bague. Oppressée, elle ne pouvait détacher les yeux de ces deux joyaux, dont l’un venait du cœur, et l’autre l’enchaînait. Elle eut un profond soupir. Une larme tomba de ses paupières ; cette eau limpide vint se mêler à la goutte de pourpre, elle forma un mince filet vermeil qui coula d’un seul jet sur une rose sans y laisser de trace. Elle porta sa main à sa bouche, et ses lèvres s’appuyèrent longuement sur le doigt blessé. Puis, prenant toutes les roses dans la courbe de son bras, la jeune femme frôla ses joues sur la gerbe parfumée et murmura à travers ses larmes :
— Roses rouges, pétales fragiles, fleurs d’amour au parfum durable, ah, consolez-moi donc !
Lorsque le soir venu, Alix fit de la lumière, les roses plus épanouies, timidement, dans leur langage, parlèrent d’espérance.
Rendu sur les chantiers de sa construction, Paul s’installa non loin de son ouvrage, et se traça un programme d’étude et de travail. Chaque semaine, il écrivait à sa femme, et celle-ci répondait régulièrement. Mais cette correspondance entretenue sur un ton simplement amical, était une torture pour ces cœurs amoureux. Péniblement de part et d’autre, l’hiver s’écoula.