Page:Œuvres philosophiques de Leibniz, Alcan, 1900, tome 2.djvu/87

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les manichéens, qu’il y a deux principes, l’un bon et l’autre mauvais. De plus, suivant le sentiment commun des théologiens et des philosophes, la conservation étant une création continuelle, on dira que l’homme est continuellement crée corrompu et péchant. Outre qu’il y a des cartésiens modernes qui prétendent que Dieu est le seul acteur, dont les créatures ne sont que les organes purement passifs ; et M. Bayle n’appuie pas peu là-dessus.

4 Mais quand Dieu ne devrait concourir aux actions que d’un concours général, ou même point du tout, du moins aux mauvaises, c’est assez pour l’imputation, dira-t-on, et pour le rendre cause morale, que rien n’arrive sans sa permission. Et pour ne rien dire de la chute des anges, il connaît tout ce qui arrivera, s’il met l’homme dans telles et telles circonstances après l’avoir créé ; et il ne laisse pas de l’y mettre. L’homme est exposé à une tentation à laquelle on sait qu’il succombera, et que par là il sera cause d’une infinité de maux effroyables ; que par cette chute tout le genre humain sera infecté et mis dans une espèce de nécessité de pécher, ce qu’on appelle le péché originel ; que le monde sera mis par là dans une étrange confusion ; que par ce moyen la mort et les maladies seront introduites, avec mille autres malheurs et misères qui affligent ordinairement les bons et les mauvais ; que la méchanceté régnera même et que la vertu sera opprimée ici-bas, et qu’ainsi il ne paraîtra presque point qu’une Providence gouverne les choses. Mais c’est bien pis quand on considère la vie à venir, puisqu’il n’y aura qu’un petit nombre d’hommes qui seront sauvés, et que tous les autres périront éternellement, outre que ces hommes destinés au salut auront été retirés de la masse corrompue par une élection sans raison, soit qu’on dise que Dieu a eu égard en choisissant à leurs bonnes actions futures, à leur foi ou à leurs œuvres, soit qu’on prétende qu’il leur a voulu donner ces bonnes qualités et ces actions, parce qu’il les a prédestinés au salut. Car quoiqu’on dise dans le système le plus mitigé que Dieu a voulu sauver tous les hommes, et qu’on convienne encore dans les autres qui sont communément reçus qu’il a fait prendre la nature humaine à son fils pour expier leurs péchés, en sorte que tous ceux qui croiront en lui d’une foi vive et finale seront sauvés, il demeure toujours vrai que cette foi vive est un don de Dieu ; que nous sommes morts à toutes les bonnes œuvres ; qu’il faut qu’une grâce prévenante excite jusqu’à notre volonté, et que Dieû nous donne le vouloir et le faire. Et soit que cela se fasse par