Page:Œuvres politiques de Machiavel.djvu/426

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CHAPITRE XXV.


Vouloir profiter de la désunion qui règne dans une ville pour s’en emparer est un parti souvent nuisible.


La mésintelligence qui existait dans la république romaine entre le peuple et la noblesse était tellement violente, que les Véïens, réunis aux Étrusques, crurent pouvoir profiter de cette désunion pour éteindre jusqu’au nom de Rome. Ayant rassemblé leur armée, ils ravagèrent le territoire de cette ville, et le sénat envoya contre eux Cn. Manlius et Marcus Fabius. Lorsque les deux armées furent en présence, les Véïens, par des attaques continuelles et des paroles offensantes, ne cessaient d’outrager les Romains : leur audace et leur insolence s’accrurent à un tel point, que ces derniers, oubliant leurs dissensions, se précipitèrent au combat et mirent les Véïens en fuite après les avoir vaincus.

On voit, comme je l’ai déjà dit, à quelles erreurs les hommes s’exposent dans la plupart des résolutions qu’ils embrassent, et combien de fois ils trouvent leur ruine là où ils avaient pensé trouver leur salut. Les Véïens avaient cru vaincre facilement les Romains, en profitant de leurs discordes ; et leur agression, en réconciliant les Romains, fut cause de leur perte ; car, dans la plupart des républiques, la discorde prend sa source dans l’oisiveté qu’enfante la paix ; et c’est la crainte de la guerre qui fait renaître la concorde. Si les Véïens avaient été moins imprudents, plus ils auraient vu Rome livrée à ses dissensions, plus ils en auraient écarté leurs armées, les laissant achever de se corrompre dans les délices de la paix.

Un des plus sûrs moyens est de chercher à gagner la confiance d’une ville qui est en proie aux dissensions,