Page:Œuvres politiques de Machiavel.djvu/548

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rieurs ; de manière qu’il semble presque impossible que le caractère d’un homme puisse se plier à un tel changement.

Cette pauvreté dura encore jusqu’aux temps de Paul Émile, derniers jours heureux de la république, où l’on vit un citoyen, dont le triomphé enrichit la ville de Rome, demeurer lui-même dans l’indigence. Cette pauvreté était encore tellement en honneur à cette époque, qu’une coupe d’argent que Paul Émile avait donnée à son gendre, dans la distribution des récompenses décernées aux citoyens qui s’étaient distingués à la guerre, fut le premier argent qui entra dans sa maison. On pourrait prouver longuement combien les fruits que produit la pauvreté sont supérieurs à ceux de la richesse ; et comment la première a honoré les républiques, les royaumes, les religions mêmes, tandis que l’autre a été cause de leur perte, si ce sujet n’avait été traité un grand nombre de fois par d’autres écrivains.



CHAPITRE XXVI.


Comment les femmes ont été quelquefois cause de la perte d’un État.


Il s’éleva entre la noblesse et le peuple de la ville d’Ardée une sédition enfantée par un mariage. Il s’agissait d’établir une riche héritière recherchée en même temps par un plébéien et un noble : comme elle avait perdu son père, ses tuteurs voulaient la marier au premier ; mais la mère préférait le dernier. Il en résulta un tel désordre qu’on en vint aux armes : toute la noblesse les prit en faveur du noble ; le peuple s’arma pour soutenir le plébéien : le peuple ayant succombé, fut obligé de quitter Ardée, et implora le secours des Volsques ; les nobles s’adressèrent à Rome. Les Volsques, ayant prévenu les Romains, arrivèrent les premiers devant