Page:Œuvres politiques de Machiavel.djvu/549

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Ardée et en formèrent le siége. À leur arrivée, les Romains resserrèrent les Volsques entre la ville et leur armée, et les contraignirent par la famine à se rendre à discrétion : ils entrèrent alors dans Ardée, livrèrent au supplice les chefs de la sédition, et rétablirent l’ordre dans la ville.

Ce texte donne lieu à plusieurs réflexions. D’abord on peut remarquer que les femmes ont été la cause d’une foule d’événements funestes, l’occasion de grands malheurs pour ceux qui gouvernaient une cité, et qu’elles y ont fait naître de nombreuses divisions. Comme on a vu dans cette même histoire que l’outrage fait à Lucrèce renversa du trône les Tarquins, de même celui que subit Virginie précipita les décemvirs de leur puissance. Aussi Aristote regarde comme une des principales causes de la ruine de la plupart des tyrans les outrages commis envers les femmes, soit en les déshonorant, soit en les violant, soit en corrompant la sainteté du mariage ; matière sur laquelle nous nous sommes étendu dans le chapitre où nous avons traité des conjurations.

Je dirai donc que les princes absolus et les magistrats d’une république ne doivent pas attacher peu d’importance à cet objet ; ils ne sauraient trop réfléchir à tous les accidents qui peuvent en résulter, afin d’y remédier lorsqu’il en est temps encore, et sans qu’il en résulte de la honte ou du dommage pour l’État ou pour la république, comme il arriva aux Ardéates, qui, pour avoir laissé grandir la discorde élevée entre les citoyens, en vinrent à une rupture ouverte, et furent obligés, pour rétablir la concorde, d’avoir recours à l’appui des étrangers : conduite qui est la cause la plus immédiate d’une prochaine servitude.

Mais il est temps d’examiner ce qu’il y a encore de remarquable dans les moyens de rétablir l’union dans une ville : ce sera l’objet du chapitre suivant.