Page:Desbordes-Valmore - Poésies, 1820.pdf/47

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
(39)


LA PRIÈRE PERDUE.


« Inexplicable cœur, énigme pour toi-même,
Tyran de ma raison, de la vertu que j’aime,
Ennemi du repos, amant de la douleur,
Que tu me fais de mal, inexplicable cœur !

Si l’horizon plus clair me permet de sourire,
De mon sort désarmé tu trompes le dessein ;
Dans ma sécurité tu ne vois qu’un délire ;
D’une vague frayeur tu soulèves mon sein.
Si de tes noirs soupçons l’amertume m’oppresse,
Si je veux par la fuite apaiser ton effroi,
Tu demandes du temps… quelques jours… rien ne presse…
J’hésite, tu gémis, je cède malgré moi.
Que je crains, ô mon cœur, ce tyrannique empire !
Que d’ennuis, que de pleurs il m’a déjà coûté !
Rappelle-toi ce temps de liberté,
Ce bien perdu dont ma fierté soupire.
Tu me trahis sans cesse, et tu me fais pitié.
Crois-moi, rends à l’amour un sentiment trop tendre ;
Pour ton repos, si tu voulais m’entendre,