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POLYBE, LIV. II.

contre les Étoliens la guerre que l’on appelle sociale ; où commença la seconde guerre entre les Romains et les Carthaginois, appelée par la plupart des historiens les guerres d’Annibal ; et où par conséquent nous avons promis de commencer notre propre histoire. Mais avant d’en venir là, disons quelque chose des affaires de la Grèce, et amenons‑les jusqu’au temps où nous sommes, afin que ce préambule serve également pour tous les pays. Car ce n’est pas seulement ce qui est arrivé chez les Grecs ou chez les Perses, que je me suis proposé d’écrire, comme d’autres ont fait avant moi, mais tout ce qui s’est passé dans toutes les parties du monde connu : dessein pour l’exécution duquel le siècle où nous vivons m’a fourni des secours particuliers, dont je parlerai dans un autre endroit. Touchons donc au moins légèrement, avant que d’entrer en matière, ce qui regarde les peuples et les lieux les plus célèbres de l’univers.

À l’égard des Asiatiques et des Égyptiens, il suffira de parler de ce qui s’est passé chez eux depuis le temps dont nous venons de parler. Car, outre que plusieurs auteurs ont écrit l’histoire des faits antérieurs à ce temps, et que ces faits ne sont ignorés de personne, de nos jours même il n’est arrivé aucun changement dans ces deux états, et la fortune n’y a rien introduit qui soit extraordinaire, ou qui vaille la peine qu’on fasse mention de ce qui a précédé. Il n’en est pas de même des Achéens et de la famille royale des Macédoniens : nous ne pouvons nous dispenser d’en reprendre l’histoire de plus haut, celle‑ci étant entièrement éteinte, et la république des Achéens, au contraire, ayant fait dans notre siècle des progrès prodigieux, grâce à l’union qui règne entre toutes ses parties. Dès le temps passé, bien des gens avaient tâché de persuader cette union aux peuples du Péloponnèse ; mais comme c’était plutôt leur intérêt particulier que celui de la liberté commune, qui les faisait agir, la division restait toujours la même : au lieu qu’aujourd’hui la concorde s’y est si heureusement établie, qu’entre eux il y a non-seulement alliance et amitié, mais mêmes lois, mêmes poids, mêmes mesures, même monnaie, mêmes magistrats, mêmes sénateurs, mêmes juges. En un mot, à cela près que tous les peuples du Péloponnèse ne sont pas renfermés dans les mêmes murailles, tout le reste, soit en général, soit dans chaque ville en particulier, est égal et parfaitement uniforme.

Commençons par examiner de quelle manière le nom des Achéens est devenu dominant dans tout le Péloponnèse. Ce n’est certainement pas par l’étendue du pays, ni par le nombre des villes, ni par les richesses, ni par le courage des peuples ; car ceux qui dès l’origine portent ce nom, ne sont distingués par aucune de ces qualités. L’Arcadie et la Laconie occupent beaucoup plus de terrain et sont beaucoup plus peuplées que l’Achaïe ; on n’y céderait non plus à aucune autre partie de la Grèce pour la valeur. D’où vient donc qu’aujourd’hui c’est un honneur pour les Arcadiens, les Lacédémoniens et tous les peuples du Péloponnèse, d’avoir pris les lois des Achéens, et d’en porter le nom ? Attribuer cela à la fortune, serait chose ridicule et folle ; il vaut mieux en chercher la cause, puisque sans cause il ne se fait rien de bon ni de mauvais. Or, cette cause, c’est, à mon sens, qu’il n’est point de république où l’égalité, la liberté, en un mot une parfaite démocratie, se trouvent avec moins de mélange que dans celle des Achéens.