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POLYBE, LIV. II.

Entre les peuples du Péloponnèse dont elle est composée, il y en a qui d’abord se présentèrent d’eux‑mêmes ; d’autres en plus grand nombre eurent besoin qu’on leur fît voir l’intérêt qu’ils avaient d’y entrer ; il fallut user de violence pour y attirer encore quelques autres, qui, aussitôt après, furent bien aises d’y avoir été contraints ; car les anciens citoyens n’avaient aucun privilége sur ceux qui étaient associés de nouveau. Tout était égal pour les uns comme pour les autres. De cette manière, la république parvint bientôt où elle aspirait. Rien n’était plus puissant que les deux moyens dont elle se servait pour cela, je veux dire l’égalité et la douceur : c’est à ces deux choses que les Péloponnésiens doivent cette parfaite union, qui fait le bonheur dont nous voyons qu’ils jouissent présentement.

Or, cette forme de gouvernement s’observait long-temps auparavant chez les peuples de l’Achaïe. Voici une ou deux preuves de ce fait, entre mille que je pourrais en rapporter. Après que dans cette partie d’Italie qu’on appelle la Grande-Grèce, le collége des Pythagoriciens eut été mis en cendres, cette violence causa de grands mouvemens parmi les peuples : cela ne pouvait manquer d’arriver, après un incendie où avaient péri misérablement les principaux de chaque ville. On ne vit ensuite dans les villes grecques de ces contrées que meurtres, que séditions, que troubles de toute espèce. Alors, quoique l’on envoyât des députés de presque toutes les parties de la Grèce pour rétablir la paix, il n’y eut que les Achéens à la foi desquels on voulut bien se remettre et s’abandonner. Et ce ne fut pas seulement en cette occasion que le gouvernement des Achéens fut goûté dans la Grande‑Grèce ; quelque temps après on l’y adopta d’un consentement unanime. Les Crotoniates, les Sybarites, les Cauloniates commencèrent de concert par élever un temple à Jupiter Homorius, et bâtirent un édifice public, pour y tenir les assemblées et les délibérations ; ils prirent ensuite les lois et les coutumes des Achéens, et convinrent entre eux de se conformer en tout à leur gouvernement. Si dans la suite ils le quittèrent, ce ne fut que parce que la tyrannie de Denis de Syracuse et la puissance des Barbares voisins les y contraignirent.

Après la fameuse défaite des Lacédémoniens à Leuctres, les Thébains, contre l’attente de tout le monde, voulant s’ériger en maîtres de la Grèce, il s’éleva quelques troubles dans tout le pays, mais particulièrement entre ces deux peuples, les premiers ne voulant pas se confesser vaincus, et les autres ne voulant point les reconnaître victorieux. Pour terminer cette contestation, les uns et les autres ne prirent pas d’autres arbitres que les Achéens, portés qu’ils étaient à ce choix, non par la puissance de ceux‑ci, car c’était presque le plus petit état de la Grèce ; mais par la bonne foi et la probité qui éclataient dans toutes les actions, de l’aveu de tous les peuples où ils étaient connus. Alors toute leur puissance ne consistait que dans la bonne volonté d’en acquérir. Ils n’avaient encore rien fait ni rien entrepris de mémorable pour l’accroître, faute d’un chef qui fût capable d’exécuter leurs projets. Dès qu’ils en avaient élu un qui promettait quelque chose, les Lacédémoniens aussitôt, et plus encore les Macédoniens, s’efforçaient d’étouffer ses desseins, et d’en empêcher l’exécution. Mais quand, dans la suite, ils eurent enfin trouvé des chefs tels qu’ils désiraient, ils ne furent pas long-temps à rendre leur république illustre par cette action digne d’une