À cause du ton dont elle lui disait de temps à autre « le jour où je vais avec mon amie à l’Hippodrome », si, s’étant senti malade et ayant pensé : « peut-être Odette voudrait bien passer chez moi », il se rappelait brusquement que c’était justement ce jour-là, il se disait : « Ah ! non, ce n’est pas la peine de lui demander de venir, j’aurais dû y penser plus tôt, c’est le jour où elle va avec son amie à l’Hippodrome. Réservons-nous pour ce qui est possible ; c’est inutile de s’user à proposer des choses inacceptables et refusées d’avance. » Et ce devoir qui incombait à Odette d’aller à l’Hippodrome et devant lequel Swann s’inclinait ainsi ne lui paraissait pas seulement inéluctable ; mais ce caractère de nécessité dont il était empreint semblait rendre plausible et légitime tout ce qui de près ou de loin se rapportait à lui. Si Odette dans la rue ayant reçu d’un passant un salut qui avait éveillé la jalousie de Swann, elle répondait aux questions de celui-ci en rattachant l’existence de l’inconnu à un des deux ou trois grands devoirs dont elle lui parlait, si, par exemple, elle disait : « C’est un monsieur qui était dans la loge de mon amie avec qui je vais à l’Hippodrome », cette explication calmait les soupçons de Swann, qui en effet trouvait inévitable que l’amie eût d’autre invités qu’Odette dans sa loge à l’Hippodrome, mais n’avait jamais cherché ou réussi à se les figurer. Ah ! comme il eût aimé la connaître, l’amie qui allait à l’Hippodrome, et qu’elle l’y emmenât avec Odette ! Comme il aurait donné toutes ses relations pour n’importe quelle personne qu’avait l’habitude de voir Odette, fût-ce une manucure ou une demoiselle de magasin. Il eût fait pour elles plus de frais que pour des reines. Ne lui auraient-elles pas fourni, dans ce qu’elles contenaient de la vie d’Odette, le seul calmant efficace pour ses souffrances ? Comme il
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