Page:À la recherche du temps perdu édition 1919 tome 2.djvu/213

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grand plaisir de faire route avec vous) lui a promis, s’il est nommé à l’Académie (c’est un des collègues du docteur), de lui faire faire son portrait par Machard. Évidemment c’est un beau rêve ! J’ai une autre amie qui prétend qu’elle aime mieux Leloir. Je ne suis qu’une pauvre profane et Leloir est peut-être encore supérieur comme science. Mais je trouve que la première qualité d’un portrait, surtout quand il coûte 10.000 francs, est d’être ressemblant et d’une ressemblance agréable.

Ayant tenu ces propos que lui inspiraient la hauteur de son aigrette, le chiffre de son porte-cartes, le petit numéro tracé à l’encre dans ses gants par le teinturier et l’embarras de parler à Swann des Verdurin, Mme  Cottard, voyant qu’on était encore loin du coin de la rue Bonaparte où le conducteur devait l’arrêter, écouta son cœur qui lui conseillait d’autres paroles.

— Les oreilles ont dû vous tinter, monsieur, lui dit-elle, pendant le voyage que nous avons fait avec Mme  Verdurin. On ne parlait que de vous.

Swann fut bien étonné, il supposait que son nom n’était jamais proféré devant les Verdurin.

— D’ailleurs, ajouta Mme  Cottard, Mme  de Crécy était là et c’est tout dire. Quand Odette est quelque part, elle ne peut jamais rester bien longtemps sans parler de vous. Et vous pensez que ce n’est pas en mal. Comment ! vous en doutez ? dit-elle, en voyant un geste sceptique de Swann.

Et emportée par la sincérité de sa conviction, ne mettant d’ailleurs aucune mauvaise pensée sous ce mot qu’elle prenait seulement dans le sens où on l’emploie pour parler de l’affection qui unit des amis :

— Mais elle vous adore ! Ah ! je crois qu’il ne faudrait pas dire ça de vous devant elle ! On serait bien arrangé ! À propos de tout, si on voyait un