Page:À la recherche du temps perdu édition 1919 tome 2.djvu/60

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— Du reste, je crois que j’aurai une déception. Je ne crois pas que cela vaille Serge Panine, l’idole de Mme  de Crécy. Voilà au moins des sujets qui ont du fond, qui font réfléchir ; mais donner une recette de salade sur la scène du Théâtre-Français ! Tandis que Serge Panine ! Du reste, comme tout ce qui vient de la plume de Georges Ohnet, c’est toujours si bien écrit. Je ne sais pas si vous connaissez le Maître de Forges que je préférerais encore à Serge Panine.

— Pardonnez-moi, lui dit Swann d’un air ironique, mais j’avoue que mon manque d’admiration est à peu près égal pour ces deux chefs-d’œuvre.

— Vraiment, qu’est-ce que vous leur reprochez ? Est-ce un parti pris ? Trouvez-vous peut-être que c’est un peu triste ? D’ailleurs, comme je dis toujours, il ne faut jamais discuter sur les romans ni sur les pièces de théâtre. Chacun a sa manière de voir et vous pouvez trouver détestable ce que j’aime le mieux.

Elle fut interrompue par Forcheville qui interpellait Swann. En effet, tandis que Mme  Cottard parlait de Francillon, Forcheville avait exprimé à Mme  Verdurin son admiration pour ce qu’il avait appelé le petit « speech » du peintre.

— Monsieur a une facilité de parole, une mémoire ! avait-il dit à Mme  Verdurin quand le peintre eut terminé, comme j’en ai rarement rencontré. Bigre ! je voudrais bien en avoir autant. Il ferait un excellent prédicateur. On peut dire qu’avec M. Bréchot, vous avez là deux numéros qui se valent, je ne sais même pas si comme platine, celui-ci ne damerait pas encore le pion au professeur. Ça vient plus naturellement, c’est moins recherché. Quoi qu’il ait dit chemin faisant quelques mots un peu réalistes, mais c’est le goût du jour, je n’ai pas souvent vu tenir le crachoir avec une pareille