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GÉNÉROSITÉ DE CHARLEMAGNE

dernier échelon de la hiérarchie ecclésiastique[1] — ne se trouvât dans la nécessité d’y exercer son ministère en costume privé.

Il s’employa aussi avec beaucoup de diligence à corriger la façon de « lire » et de psalmodier[2], étant lui-même très expert en la matière, quoiqu’il ne « lût » point en public et qu’il ne chantât qu’à mi-voix et avec le reste de l’assistance.

[27.] Empressé à secourir les pauvres et à faire ces largesses désintéressées que les Grecs appellent « aumônes » (ἐλεημοσύνη), il n’en usait pas ainsi seulement dans sa patrie et son royaume, mais il avait coutume d’envoyer de l’argent au delà des mers : en Syrie, en Égypte et en Afrique — à Jérusalem, Alexandrie et Carthage, où il avait appris que vivaient dans la pauvreté des chrétiens dont la détresse excitait sa compassion[3] ; et s’il rechercha l’amitié des rois d’outre-mer, ce fut surtout pour procurer aux chrétiens placés sous leur domination quelque soulagement et quelque réconfort.

Plus que tous les autres lieux saints et vénérables, l’église du bienheureux apôtre Pierre à Rome était l’objet de sa dévotion. Il consacra à la doter quantité d’or, d’argent et de pierres précieuses[4] ; il envoya aux pontifes de riches et innombrables présents ; et à aucun moment de son règne rien ne lui tint plus à cœur[5] que de travailler de tous ses

  1. On distingue, on le sait, quatre ordres « mineurs », qui sont, suivant leur degré d’importance croissante, ceux de portier, de lecteur, d’exorciste et d’acolyte, et trois ordres « majeurs » : sous-diaconat, diaconat et prêtrise.
  2. Cf. l’article 80 du capitulaire général de mars 789 (Capitularia regum Francorum, éd. Boretius et Krause, t. I, no 22, p. 61) et la lettre-circulaire adressée par Charlemagne vers la même époque aux « lecteurs » des églises de ses États (Ibid., no 30, p. 80-81).
  3. Un capitulaire de l’an 810 ordonne de faire des quêtes dans l’empire franc pour la restauration des églises de Jérusalem (Monumenta Germaniae, Capitularia regum Francorum, t. I, no 64, art. 18, p. 154) et divers témoignages des ixe-xe siècles prouvent qu’on attribua plus tard à Charlemagne la construction et la dotation d’un hospice auprès du saint Sépulcre (voir Louis Bréhier, mémoire cité plus haut [p. 48, n. 1], p. 33-34).
  4. Voir, dans la vie du pape Léon III, ch. 23, au Liber pontificalis, éd. L. Duchesne, t. II, p. 7, la liste des riches offrandes faites par Charlemagne à Saint-Pierre en l’an 800.
  5. Pour exprimer cette idée, Éginhard reprend une expression assez particulière de Suétone, dans la Vie de Vespasien, viii, 1 : « Per totum imperii tempus nihil habuit antiquius quam… »