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Page:Éginhard - Vie de Charlemagne, trad. Halphen, 1923.djvu/45

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PÉPIN ET CARLOMAN MAIRES DU PALAIS

reçue des mains de son propre père, également nommé Pépin ; car le peuple avait coutume de ne la confier qu’à ceux qui l’emportaient par l’éclat de leur naissance et l’étendue de leurs richesses.

Elle avait donc été tenue pendant quelques années, sous le règne de Childéric, par Pépin concurremment et en plein accord avec son frère Carloman, qui, comme lui, en avait hérité de leur père et de leur aïeul. Mais bientôt Carloman[1], pour des raisons inconnues — cédant sans doute à l’attrait de la vie contemplative — avait abandonné le lourd fardeau du gouvernement d’un royaume temporel pour aller se reposer à Rome ; il y avait pris l’habit religieux et avait construit au mont Soracte, près de l’église de Saint-Sylvestre, un monastère où, en compagnie des frères venus à sa suite, il avait joui durant quelques années du repos souhaité. Puis le passage des nobles nombreux qui périodiquement arrivaient de France en pèlerinage à Rome et ne voulaient point traverser la ville sans aller saluer leur ancien seigneur, troublant ainsi par leurs fréquentes visites le calme auquel il tenait par-dessus tout, l’avait obligé à changer de résidence : ayant constaté que ces allées et venues nuisaient à son dessein, il avait quitté le mont Soracte pour se retirer dans la province de Samnium au monastère de Saint-Benoît, à Cassino[2], où il avait fini ses jours dans la vie religieuse[3].

[3.] Pépin ayant été élevé, par l’autorité du pontife

  1. Tout cet alinéa a pour source les Annales royales, 2e rédaction, années 745 et 746 (éd. Kurze, p. 5 et 7) : « Carlomannus… patefecit fratri suo Pippino saecularem conversationem se velle dimittere et habitu monachico Deo servire… Romam profectus, dimissa saeculari gloria, habitum mutavit et in monte Soracti monasterium in honorent sancti Silvestri aedificavit… ibique aliquandin commoratus, meliori consilio hoc loco dimisso, ad monasterium sancti Benedicti in Samnio provincia juxta Casinum castrum constitutum Deo serviturus venit ibique monachicum habitum suscepit. » Les mots en italique, dans ce passage comme dans tous ceux que nous citerons désormais, sont ceux qu’Éginhard a textuellement ou presque textuellement reproduits. Le passage auquel se rapporte cette note semble également inspiré des Continuateurs de Frédégaire, § 30 (éd. Krusch, dans les Monumenta Germaniae historica, Scriptores rerum merovingicarum, t. II, p. 181) : « Carlomannus devotionis causa inextinctu succensus » (mot qui a passé sous la plume d’Éginhard) « regnum… manibus germano suo Pippino committens… Romam ob monachyrio ordine perseveraturus advenit. »
  2. Les Annales royales disent plus justement : « près de Cassino ». Voir la note précédente.
  3. Lues plus attentivement, les Annales royales (ann. 753, éd. Kurze, p. 13) eussent appris à Éginhard que Carloman finit ses jours à Vienne.