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GUERRE DE SAXE

résultats la soumission de l’Italie, l’exil perpétuel du roi Didier, l’expulsion hors de la péninsule de son fils Adelchis, enfin la restitution au chef de l’Église romaine Hadrien des biens enlevés par les rois lombards.

[7.] Cette guerre terminée, l’on reprit celle de Saxe, qui avait pu sembler un moment interrompue[1]. Aucune ne fut plus longue, plus atroce, plus pénible pour le peuple franc. Car les Saxons, comme presque toutes les nations de Germanie, étaient d’un naturel féroce ; ils pratiquaient le culte des démons, se montraient ennemis de notre religion et ne voyaient rien de déshonorant à violer ou transgresser les lois divines ou humaines. Le tracé des frontières entre notre pays et le leur mettait, en outre, chaque jour la paix à la merci d’un incident : presque partout en plaine, sauf en quelques points où de grands bois et des montagnes forment une séparation nette, elles étaient le théâtre de scènes constantes de meurtres, de rapines et d’incendies, se répondant de part et d’autre. Les Francs finirent par en être tellement excédés que, jugeant désormais insuffisant de rendre coups pour coups, ils résolurent d’entamer une lutte ouverte[2].

La guerre fut donc déclarée. Elle fut menée des deux côtés avec une égale vigueur, quoique avec des pertes plus sérieuses chez les Saxons que chez les Francs, et se poursuivit pendant trente-trois années consécutives[3]. Elle eût pu finir plus vite n’eût été la perfidie[4] des Saxons. Il est difficile de dire combien de fois, vaincus et suppliants[5], ils se rendirent au roi, combien de fois ils promirent de faire ce qu’on exigeait d’eux, combien de fois ils livrèrent sans

  1. Éginhard veut dire sans doute qu’entamée par Charlemagne dès 772, ralentie durant la guerre lombarde (773-774), la guerre de Saxe fut reprise avec vigueur dès que Didier fut vaincu. La lecture des Annales royales a suffi à le lui apprendre.
  2. Dans ce chapitre, Éginhard résume encore les Annales royales, mais non sans apporter de temps à autre une note personnelle sur le pays saxon, dont était proche l’abbaye de Fulda, où il avait été élevé.
  3. La première mention d’une campagne de Saxe au temps de Charlemagne figure dans les Annales royales sous l’année 772, et c’est sous l’année 804 que l’annaliste note les déportations en masse qui peuvent être considérées comme la conclusion de toutes les campagnes.
  4. C’est là un terme dont l’annaliste se sert souvent quand il parle des Saxons (années 775, éd. Kurze, p. 41 ; 776, p. 47 ; 777, p. 49 ; 785, p. 71, lignes 5 et 15 ; 795, p. 97).
  5. Encore un terme emprunté aux Annales royales (2e rédaction, ann. 776, éd. Kurze, p. 47) : « Immensam illius perfidi populi multitudinem velut devotam ac supplicem et… veniam poscentem invenit. »