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PORTRAIT DE CHARLEMAGNE

le bon renom que cette attitude lui valait une compensation à tous ses ennuis.

[22.] D’une large et robuste carrure, il était d’une taille élevée, sans rien d’excessif d’ailleurs[1], car il mesurait sept pieds de haut[2]. Il avait le sommet de la tête arrondi, de grands yeux vifs[3], le nez un peu plus long que la moyenne[4], de beaux cheveux blancs, la physionomie gaie et ouverte. Aussi donnait-il, extérieurement, assis comme debout, une forte impression d’autorité et de dignité[5]. On ne remarquait même pas que son cou était gras et trop court et son ventre trop saillant[6], tant étaient harmonieuses les proportions de son corps[7]. Il avait la démarche assurée, une allure virile. La voix était claire, sans convenir cependant tout à fait à son physique. Doté d’une belle santé, il ne fut malade que dans les quatre dernières années de sa vie, où il fut pris de fréquents accès de fièvre[8] et finit même par boiter[9]. Mais

  1. Ceci est une réplique à ce que Suétone dit de l’empereur Tibère — qui, lui, au dire de son biographe, était d’une taille exagérée : « Corpore fuit amplo atque robusto, statura quae justam excederet » (Vie de Tibère, lxviii, 1).
  2. Mot à mot : « il mesurait sept fois la longueur de son pied ». Ce nouveau trait est une réplique à ce que Suétone dit d’Auguste (Vie d’Auguste, lxxix, 2) — haut, lui, seulement de cinq pieds trois quarts (« staturam brevem, quam tamen… quinque pedum et dodrantis fuisse tradit… »). Il importe au surplus d’observer que l’assertion d’Éginhard (s’il ne faut pas corriger la leçon des manuscrits) ferait de Charlemagne un géant.
  3. Suétone reconnaît dans les mêmes termes l’une de ces qualités aux yeux de Tibère (Vie de Tibère, lxviii, 2 : « … cum praegrandibus oculis ») et l’autre à ceux de Jules César (Vie de César, xlv, 1 : « … nigris vegetisque oculis »).
  4. C’est à peu près ce que Suétone dit d’Auguste : « Nasum et a summo eminentiorem et ab imo deductiorem » (Vie d’Auguste, lxxix, 2).
  5. Toutes les caractéristiques précédentes se trouvent déjà dans le portrait que Suétone a tracé de Claude : « Auctoritas dignitasque formae non defuit vel stanti vel sedenti… nam et prolixo nec exili corpore erat et specie canitieque pulchra » (Vie de Claude, xxx).
  6. Suétone (Vie de Néron, li) parle de même du « cou gras et du ventre saillant » de Néron (« cervice obesa, ventre projecto ») ; de Titus, il dit (Vie de Titus, iii, 1) qu’il avait le ventre a un peu trop saillant » (« ventre paulo projectiore »).
  7. Suétone l’avait déjà dit d’Auguste : « Staturam brevem… sed quae commoditate et aequitate membrorum occuleretur » (Vie d’Auguste, lxxix, 2).
  8. Ici encore Éginhard s’inspire de Suétone, qui dit de César : « Valitudine prospera, nisi quod tempore extremo… comitiali… morbo… correptus est » (Vie de César, xlv, 1). — Voir aussi la note 1 de la page 68.
  9. Dans l’alinéa consacré à la santé d’Auguste (Vie d’Auguste, lxxx), Suétone dit aussi que l’empereur romain, atteint de rhumatismes à une jambe, finit par boiter (« … ut saepe etiam inclaudicaret »).