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Page:Élémir Bourges, Les Oiseaux s'envolent et les fleurs tombent, 1893.djvu/22

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PREMIÈRE PARTIE
LE PIRE N'EST PAS TOUJOURS CERTAIN



LIVRE PREMIER


Le mercredi 24 mai 1871, comme onze heures de nuit sonnaient, un homme qui portait une lanterne à la main suivait, à pas lents, un sentier désert, sur les hauteurs du Père-Lachaise. De là, on voit Paris tout entier.

Le ciel était extraordinaire. Une rougeur immense l’emplissait. Au-dessous, dans la confusion des toits, des flèches, des édifices, de grandes fournaises flambaient ; mais l’incendie, combattu tout le jour par les soldats de l’armée de Versailles, avait, à ce moment, on ne sait quoi d’immobile. La canonnade se taisait : les deux partis harassés faisaient trêve ; la ville, au loin, semblait déserte. Le feu, livide et comme sulfureux, glissait sur les coupoles en silence. Nulle lumière ne sortait de ces pâles gouffres de flamme, mais une obscurité rougeâtre qui laissait distinguer, de toutes parts, des solitudes affreuses et des ruines.

L’homme s’arrêta en tressaillant. Des clameurs, des vociférations s’entendaient vaguement, là-bas, dans la plaine semée de tombes, où les nuages enflammés réverbéraient une lueur sinistre. Inquiet, l’homme tendait l’oreille, Ensuite, il se remit en marche.

Les incendies se réveillaient sous les rafales du vent d’ouest, et d’autres, que l’on allumait, roulaient de larges fumées noirâtres qui s’entassaient au fond du ciel. De