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et de l’accord spontané des citoyens ; tout siècle de découvertes, nous le savons, est un siècle pendant lequel le pouvoir religieux et politique se trouvait affaibli par des compétitions, et où l’initiative humaine avait pu trouver une brèche pour se glisser, comme une touffe d’herbes croissant à travers les pierres descellées d’un palais.

Nos études, si peu avancées qu’elles soient encore, nous ont appris aussi que des institutions suffisent pour créer des maîtres, quand même le mot de liberté serait inscrit sur toutes les murailles et que l’hymne de Guerre aux Tyrans résonnerait dans les rues. Sans être institué de droit divin, le maître peut le devenir également de par la volonté populaire. C’est au nom du peuple que le magistrat prononce des arrêts, mais sous prétexte qu’il défend la morale, il n’en est pas moins investi du pouvoir d’être criminel lui-même, de condamner l’innocent au bagne et de glorifier le méchant ; il dispose du glaive de la loi, il tient les clefs de la prison et dresse les guillotines ; il fait l’éducation du policier, du mouchard, de l’agent des mœurs ; c’est lui qui forme ce joli monde, ce qu’il y a de plus sale et de plus écœurant dans la fange et dans l’ordure.

Autre institution, l’armée, qui est censée n’être que le « peuple armé ! » mais nous avons appris par une dure expérience que si le personnel des soldats s’est renouvelé, le cadre est resté le même et que le principe n’a pas changé. Les hommes n’ont pas été achetés directement en Suisse ou en Allemagne : ce ne sont plus des lansquenets et des reîtres, mais en sont-ils plus libres ? Les cinq cent mille « baïonnettes intelligentes » qui composent l’armée de la République française ont-elles le droit