Page:Éluard - Une leçon de morale, 1949.djvu/22

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Un bloc d’oubli a comblé mes mains vides
Je ne sais plus avoir un corps
Je ne sais plus avoir un visage parfait
J’oublie la vie je suis atrocement à nu
Je suis à nu comme un schéma comme une épure
Sous la nuit crue d’une peine obstruée
Sous la chappe nacrée des larmes dérisoires
Non pas soumis mais épuisé
Je suis un homme sans saisons un homme absent
Réduit à rien un projet d’homme au cimetière

Et je regrette la douleur car elle était fidèle
Mouvante et belle elle faisait craquer mon front
Toujours geler brûler le même cœur mortel
Tout était là d’avance et l’amour et la mort
Dans ce monde ancien où dit-on j’ai vécu
Il fallait qu’un cœur d’or lutte et saigne pour vivre
L’automne avait une raison.

Au bien :

Le soir et les tenailles de la solitude
Où j’ai envie de tout avouer
Où je rougis d’être en automne
Quand je me sens au mois de mai