Page:Émile Faguet - L'Art de lire.djvu/109

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Pour certains, du reste, amoureux de la réputation à petit bruit et délicate, elle n’en est que plus agréable et que plus chère.

Mais ce n’est pas de ces ennemis-là que je veux parler. Tout compte fait, il me semble qu’ils ne peuvent être que très utiles. Ils éliminent les faux amis de la littérature, ceux qui ne liraient que s’il n’y avait pas d’autre distraction, ni d’autre passe-temps, gens par conséquent de très peu de goût, n’ayant pas la vocation et qui alimenteraient autant la basse littérature que la bonne et plutôt celle-là que celle-ci ; et ils laissent intacte la troupe de ceux qui sont véritablement nés pour lire. Je crois que la perte est nulle, si tant est même qu’il n’y ait pas gain.

Les ennemis de la lecture dont je veux parler, ce sont les tendances, les penchants et les habitudes qui empêchent de bien lire, de lire comme il est utile, profitable et agréable de faire.

À l’entendre ainsi, les principaux ennemis de la lecture sont l’amour-propre, la timidité, la passion et l’esprit de critique.

La Bruyère, dont le chapitre intitulé Des ouvrages de l’esprit contient tout un art de ne pas bien lire, a touché l’un après l’autre tous ces points et nous n’avons qu’à l’écouter : « L’on m’a engagé, dit Ariste, à lire mes ouvrages à Zoïle : Je l’ai fait. Ils l’ont saisi d’abord et, avant qu’il ait eu le loisir de les trouver mauvais, il les a loués modeste-