Page:Émile Faguet - L'Art de lire.djvu/144

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Un petit inconvénient à cela, au temps actuel, c’est que jusqu’à présent tous les historiens littéraires, sans exception, je crois, ont prétendu être en même temps critiques, critiques dans leurs livres d’histoire eux-mêmes, et que, par conséquent, si on les lit, comme on le doit, avant de lire l’auteur, le mauvais effet que produit le critique lu avant l’auteur, ils le produisent.

Il est vrai, l’inconvénient est assez grave. Il cessera. Les historiens littéraires s’accoutumeront à n’être que des historiens, comme les critiques à n’être que des critiques ; ou plutôt l’historien littéraire s’accoutumera à n’être qu’historien littéraire dans un livre d’histoire et à n’être que critique dans un livre de critique ; ils s’y accoutument déjà, et ils font en cela le mieux du monde.

Une question reste, assez grave. S’il en est comme j’ai dit, comment faut-il, dans l’enseignement, user des critiques ? Il faut, à mon avis, mettre entre les mains des écoliers les historiens littéraires, ceux des historiens littéraires qui ne font pas de critique — puisque tous en font, ceux, jusqu’à nouvel ordre, qui en font le moins — et les leur faire lire avant les auteurs ; ou il faut faire aux écoliers un cours d’histoire littéraire, comme on leur fait un cours d’histoire et les prier de ne lire que les auteurs dont, dans ce cours d’histoire littéraire, il leur aura déjà été parlé.

Les choses s’arrangeront, du reste, assez bien d’elles-