Page:Émile Faguet - L'Art de lire.djvu/31

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très exceptionnel et que nous manquions de critérium pour juger s’il est vrai ou faux.

On voudrait encore que l’auteur nous donnât sa parole d’honneur que le fait est vrai et que les caractères sont vrais, auquel cas on lirait ces livres comme des livres scientifiques rapportant des observations toutes nouvelles et tout étranges et plus intéressants que tous les autres en effet, car ce n’est point un cas classique de fièvre muqueuse qui intéressera un médecin ; mais la parole d’honneur du romancier n’est point de ces choses qui nous puissent mettre en pleine assurance.

Le moyen le plus usité et le meilleur assurément qu’emploient les romanciers qui savent leur métier est d’entourer le cas exceptionnel d’un bon nombre de faits d’observation très courante au contraire et bien connus. À ce compte nous leur faisons confiance, parce que nous voyons qu’ils savent bien observer ce que nous observons nous-mêmes et nous les respectons comme bons observateurs et nous supposons qu’ils l’ont été aussi des cas exceptionnels qu’ils nous rapportent ; et ce cas exceptionnel bénéficie, en quelque sorte, de l’exactitude de tout ce qui l’entoure.

Moi, tout compte fait, je ne saurais trop dire comment il faut lire ces livres-ci. Ils échappent un peu aux moyens ordinaires de lecture. Le plus souvent on les lit comme purs et simples ouvrages d’imagination, et l’on ne sait gré à l’auteur que de sa