Page:Émile Faguet - L'Art de lire.djvu/34

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

vient à cet acte, comme il a la forme qui s’y prête, et une école ne doit pas présenter les mêmes combinaisons de lignes qu’une église ; — et la musique seule est tout à fait l’art qui permet qu’on échappe à la vie et qui aide à en sortir ; et c’est l’expression même de la rêverie.

Les amateurs d’exceptionnel en littérature et qui l’aiment, non point parce qu’ils sont blasés sur le normal, mais par goût de s’évader de la vie réelle, se trompent donc, je crois, en s’adressant à la littérature, y entretiennent en se plaisant à lui un genre qui, en littérature, est un genre faux, et feraient mieux, je crois, de s’adresser, selon leurs tempéraments particuliers, à l’un ou à l’autre des deux autres arts que j’ai dits.

Quoi qu’il en soit, il y a lectures très différentes selon les différentes natures d’esprit, et par suite il y a, et elle est amusante, décevante aussi ou peu sûre, et telle qu’il ne faut pas s’y fier légèrement, mais assez instructive en somme, une étude des esprits et même des âmes, une étude des hommes par ce qu’ils se montrent comme lecteurs.

Celui, par exemple, qui ne peut lire que des narrations, le lecteur d’Alexandre Dumas, n’est pas pour autant un homme d’action et quelquefois même il est très paresseux, mais le plus souvent il n’est ni un observateur des autres ni un observateur de soi-même et il n’a ni vie intérieure ni vie extérieure intellectuelle.