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PASTELS ET PORCELAINES



VIEILLE ARMOIRE




Dors, fouillis vénéré de vieilles porcelaines
Froides comme des yeux de morts, tous clos, tous froids,
Services du Japon qui disent l’autrefois
De maints riches repas de belles châtelaines !

Ton bois a des odeurs moites d’anciennes laines,
Parfums de choses d’or aux fragiles effrois ;
Tes tasses ont causé sur des lèvres de rois
De leurs Hébés, de leurs images peintes, pleines

De pastels lumineux, de vieux jardins fleuris,
Arabesque où le ciel avait de bleus souris…
Reliquaire d’antan, ô grande, ô sombre armoire !

Hier, quand j’entr’ouvris tes portes de bois blond,
Je crus y voir passer la spectrale mémoire
De couples indistincts menés au réveillon.