Page:Érasme, Bonneau - La Civilité puérile, 1877.djvu/23

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

en lui envoyant au nez des bouffées d’ail, on crache partout, on fait sécher au poêle des vêtements mouillés et toute la salle en est empuantie ; il y en a qui nettoient leurs bottes à table, tout le monde trempe son pain dans le plat, mord à belles dents et recommence le manège jusqu’à épuisement de la sauce ; si un plat circule, chacun se jette sur le meilleur morceau, sans se soucier de son voisin ; les uns se grattent la tête, d’autres épongent leur front ruisselant de sueur ; la nappe est si sale, qu’on dirait une voile de navire fatiguée de longs voyages. Érasme en a mal au cœur et l’appétit coupé pour huit jours. Sans doute, ce qu’il retrace là ce sont des mœurs d’auberge, des mœurs de table d’hôte, comme on dirait maintenant ; raison de plus pour y chercher le niveau moyen de la politesse à son époque, et ce niveau ne paraît pas élevé. La Civilité puérile, quoique écrite beaucoup plus tard que ce dialogue, semble une critique calculée de ces grossiers usages dont Érasme avait eu à se plaindre toute sa vie ; il y formule ses desiderata[1], bien

  1. Il les avait déjà formulés, en passant, dans divers autres de ses ouvrages. Un de ses colloques.