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Page:Érasme - Éloge de la folie.djvu/106

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testable, qui, avec sa saleté, son ignorance, sa grossièreté et son impudence, prétend continuer les Apôtres !

Trouvez-vous pas bien divertissante cette règle qui commande mathématiquement leurs moindres actions et qu’on ne peut enfreindre sans être damné ! Leurs souliers doivent avoir tant de nœuds ; la ceinture telle couleur, leur vêtement telle coupe. L’étoffe, la forme et l’ampleur précises du capuchon, le diamètre exact de la tonsure ; le nombre d’heures consacrées sur sommeil ; tout est prévu. Il est facile de comprendre combien cette uniformité s’accorde avec la diversité presque infinie des tempéraments et des caractères. Au milieu de tant de niaiseries, ils ne se contentent pas de mépriser les gens du monde ; ils se déchirent encore entr’eux ; et ces gens qui font profession de charité apostolique, cherchent noise à quiconque porte un habit différent du leur et quelque peu plus foncé en couleur. Rigoureux observateurs des statuts de leur ordre, les uns portent ostensiblement l’habit de pénitence ; il est vrai de dire qu’ils ont de la toile fine en dessous ; les autres au contraire portent la toile au-dessus et la laine au-dessous. Il en est qui craignent de palper un écu à l’égal d’une vipère ; mais de boire et de caresser les ribaudes ils ne se font faute. Leur ambition n’est pas de ressembler au Christ, mais de ne pas se ressembler entr’eux. Les surnoms qu’ils se sont donnés entrent pour beaucoup dans leur bonheur ; on peut être fier d’être cordelier en tant qu’espèce générale, et comme