Page:Érasme - Éloge de la folie.djvu/110

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Bref, il eut le talent de découvrir dans les éléments de la grammaire le symbole de la Trinité, mais si exactement qu’un mathématicien n’aurait pu mieux faire. Ce chef-d’œuvre avait coûté huit mois de travail à cet archi-théologien ; il en est devenu aveugle, car son esprit a absorbé la lumière de ses yeux. N’allez pas croire pourtant qu’il y ait le moindre regret ; il est persuadé que c’est là de la gloire achetée à trop bon compte.

J’ai eu la bonne fortune de rencontrer un autre octogénaire qu’on eût pris pour une incarnation de Scott. Les mystères du nom de Jésus, tel était son sujet. Il commença par démontrer avec une subtilité charmante, comme quoi dans les lettres mêmes de ce nom, on trouvait tout ce qu’il y avait à dire du Sauveur. En effet, disait-il, Jésus à trois cas en latin, image évidente de la Trinité ; le premier se termine en s, le second en m, le troisième en u ; mystère ineffable, car chacune de ces lettres indique que Jésus est le sommet (summum) le milieu (medium) et l’ultime (ultimum) des choses. Ce n’était rien encore, les mathématiques n’avaient rien de plus abstrait que ce qui allait suivre. Coupez, ajoutait-il, le mot en deux parties égales ; retenez seulement l’s médiale. Cette lettre, que nous extrayons de Jésus, se nomme syn chez les Hébreux ; or syn est un mot écossais qui veut dire péché, cela nous démontre sans conteste que c’est Jésus qui a ôté le péché du monde. Cet exorde ébahit tout l’auditoire, sans même en excepter les théologiens, qui restèrent pétrifiés comme autrefois Niobé. Pour moi, je fus