Page:Érasme - Éloge de la folie.djvu/122

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

L’Église chrétienne a été fondée dans le sang, cimentée par le sang et agrandie par le sang ; ils s’en autorisent pour tirer le glaive pour elle, comme si le Christ n’était plus là pour protéger les siens. Et cependant ils devraient savoir que la guerre est une chose si cruelle, qu’elle était digne tout au plus des bêtes féroces ; si insensée, que les poëtes la donnent pour une inspiration des Furies ; si mauvaise, qu’elle entraîne après elle la perturbation des mœurs ; si injuste, que les plus grands brigands la pratiquent le mieux ; si impie, qu’elle est entièrement contraire au Christ. Les papes savent tout cela, mais n’en font pas moins la guerre. Vous voyez des vieillards décrépits retrouver l’ardeur de la jeunesse, prodiguer leurs trésors, braver la fatigue et ne reculer devant rien, pour se donner le plaisir de bouleverser à leur aise les lois, la religion, la paix et toutes les choses humaines. Et il se trouve de savants panégyristes pour décorer cette frénésie patente des beaux noms de zèle, de piété, de courage, et pour prouver qu’on peut tirer l’épée et en percer les entrailles de son frère sans se départir de cette charité parfaite dont tout chrétien doit user envers son prochain !

Je n’ai pu découvrir jusqu’ici si les évêques d’Allemagne ont pris exemple des papes, ou les papes des évêques d’Allemagne ; toujours est-il que, simplifiant les choses, ils mettent tout bonnement de côté la messe et les cérémonies du culte pour mener une vie de satrape. Il semble qu’ils estiment pour lâche et indigne de l’épiscopat de rendre à Dieu leur