Page:Érasme - Éloge de la folie.djvu/128

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scolastique, invoquer l’âme de Scott Érigène, la conjurer de quitter son antique Sorbonne pour animer mon sein, sauf après à lui souhaiter de s’en aller n’importe où, fût-ce même à tous les diables ! Pour compléter l’illusion, que ne puis-je changer de visage et paraître devant vous en bonnet carré ! Mais, en m’entendant parler si bien théologie, n’allez pas s’il vous plaît, crier au plagiat, et croire que j’ai pillé les manuscrits des maîtres. Rien de bien étonnant que, vivant depuis si longtemps dans leur intimité, j’aie fini par attraper quelques bribes de leur science. L’histoire ne nous apprend-elle pas qu’un Priape de bois retint quelques mots qu’il avait entendus de son maître, et que le coq de Lucien, par une longue fréquentation des hommes, en était arrivé à parler comme eux ? Mais entrons en matière, et que les dieux me soient propices.

« Le nombre des fous est infini, » selon l’Ecclésiaste (ch. I) ; infini, embrasse évidemment la totalité des hommes, à l’exception d’un petit nombre que personne ne remarque. Jérémie est plus explicite encore : « La sagesse de l’homme, dit-il en son Xe chapitre, n’a d’autre effet que d’en faire un archifou. » Il considère donc la sagesse comme l’attribut de Dieu, et la folie comme l’attribut de l’homme. Quelques lignes plus haut, il avait déjà dit : « Il ne faut pas que l’homme se glorifie de sa sagesse. » Et pourquoi l’excellent Jérémie ne veut-il pas que cela se fasse ? Par la raison toute simple que, selon lui, l’homme manque complétement de sagesse. Mais revenons à l’Ecclésiaste, « Vanité des vanités, s’écrie-t-il,