Page:Érasme - Éloge de la folie.djvu/134

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de ses disciples au-dessus de la confiance qu’ils avaient dans les secours humains. Il leur demanda si quelque chose leur avait fait défaut depuis qu’il les avait envoyés annoncer l’Évangile, sans aucun viatique, sans chaussures pour garantir leurs pieds des pierres et des ronces, et sans provisions contre la faim. Sur leur réponse négative, il leur dit : « Maintenant, que celui qui a un sac ou une bourse la laisse là, et, faute de mieux, qu’il vende sa tunique pour acheter une épée. » — Comme toute sa doctrine est fondée sur la douceur, la tolérance et le mépris de la vie, il est facile de comprendre ce que Jésus a voulu dire dans ce passage. — Il apprend à ses disciples à se dépouiller non-seulement de la besace et de la bourse, mais même de leurs vêtements, pour entrer nus et libres de tous biens dans leur charge apostolique et armés seulement du glaive. Mais par glaive il entend non point l’arme des brigands et des parricides, mais ce glaive spirituel qui fouille si profondément les cœurs, qu’il coupe à sa racine toute passion, pour n’y laisser fleurir que la piété.

Voyez maintenant de quelle façon l’illustre théologien dont nous parlons torture ce texte. Dans le glaive, il voit le droit de se défendre contre les persécutions ; dans la besace, une bonne provision de vivres. De sorte qu’il admet que le Christ, changeant tout à coup d’opinion à l’aspect de l’équipage peu royal de ses ambassadeurs, se prit à chanter la palinodie de ce qu’il avait jusque-là enseigné. Il admet que le Christ a oublié qu’il avait dit auparavant à ses apôtres : « Votre béatitude