Page:Érasme - Éloge de la folie.djvu/35

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donne à l’homme ces traits rudes, cette peau hérissée, cette barbe épaisse qui appellent la vieillesse, c’est la raison, la raison seule ; tandis qu’il y a chez la femme je ne sais quoi d’éternellement jeune : ses joues sont imberbes, sa voix fraîche, sa peau moelleuse. Toute l’ambition de sa vie elle la met à plaire à l’homme ! Les soins, les fards, les bains, les coiffures, les parfums, les essences et tous les artifices pour embellir, peindre et faire son visage et ses yeux, n’ont pas d’autre but. N’est-ce pas avouer par suite que ce qui recommande plus particulièrement les femmes aux hommes, c’est leur folie ? D’ailleurs les hommes permettent tout aux femmes, pourvu qu’elles leur donnent en retour le plaisir ; or, qu’est-ce que le plaisir, sinon la Folie ? Et personne ne me contredira, pour peu qu’il ait songé quelles inepties dit et fait un homme lorsque le désir l’aiguillonne.


Je viens de vous montrer la source du plus grand plaisir de la vie. Ainsi les vieillards, en général, plutôt buveurs que galants, trouvent le bonheur au fond de leur verre. Je ne rechercherai pas, avec certains auteurs, si un festin sans femmes peut avoir quelques charmes ; mais, ce que j’affirme, c’est qu’il sera franchement insipide s’il lui manque l’assaisonnement de la Folie. Je n’en veux d’autre preuve que celle-ci : si parmi les convives il ne s’en rencontre pas au moins un capable de les mettre en gaieté par sa folie native ou artificielle, on payera quelque bouffon ou bien on attirera quelque parasite ridicule qui sache