sont ceux qui cherchent à se rapprocher davantage de l’ineptie des brutes, et n’essayent rien au-dessus des forces humaines. Voyons un peu si, sans employer les enthymèmes des Stoïciens, je pourrai vous prouver cela par quelque bon exemple bien saisissable.
Par les dieux immortels ! connaissez-vous rien de plus heureux que ceux-là, justement, à qui le vulgaire jette comme autant d’injures, les beaux noms de fou, d’extravagant, d’insensé, d’idiot. De prime abord, je l’avoue, ma proposition peut sembler tant soit peu absurde ; elle peut pourtant parfaitement se justifier, comme vous allez voir. Et d’abord, tous ces gens-là ne craignent pas la mort, ce qui n’est pas selon moi un mince avantage ; puis, le remords ne trouble pas leur conscience ; la peur de l’enfer, des spectres et des revenants n’a pas prise sur eux ; et les craintes comme les espérances de l’avenir les laissent insensibles. Ce n’est pas tout, ils ne connaissent aucun de ces mille maux qui torturent la vie humaine, ils n’ont ni honte, ni timidité, ni ambition, ni jalousie, ni amour ; et même s’ils réussissent à atteindre à l’entière stupidité des brutes, ils ont l’avantage, au dire des théologiens, d’être impeccables. Ô sage trois fois fou ! récapitule, s’il te plaît, les inquiétudes qui déchirent jour et nuit ton âme ; rassemble en un seul monceau les tourments de ta vie, et dis-moi si je ne suis pas une vraie providence pour mes fidèles ! Ils n’ont pas seulement le mérite d’être toujours joyeux, toujours s’ébaudissant, chantant ou riant ; ils répandent