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Page:Étude militaire, géographique, historique et politique sur l'Afghanistan.pdf/99

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cussion sur ce point pourrait être à un moment plus convenable. L’effet produit par cette déclaration, quoique faite sur le ton le plus conciliant, ne fut pas favorable ; et il la reçut avec un sentiment de rancune et de désappointement en même temps. Sa réponse à la communication de lord Northbrook était conçue en termes sarcastiques mal déguisés ; il ne fit pas de cas de la proposition du vice-roi de députer un officier anglais pour inspecter la frontière du nord de l’Afghanistan, et plus tard il refusa à sir Douglas Forsyth la permission de revenir de Kashgar dans l’Inde par Caboul. Il ne toucha pas à une somme d’argent que le gouvernement avait mise à sa disposition ; en un mot, il prit en général une attitude soudaine de réserve méfiante[1]. »

Arrêtons-nous un instant ici pour examiner quelle était à cette époque la situation respective de l’Angleterre et de la Russie dans l’Asie centrale. Dans une circulaire datée du 21 novembre 1864, le prince Gortchakoff, exposant la position faite à la Russie dans l’Asie centrale et les intérêts qui devaient y être le mobile de sa politique s’exprimait ainsi :

« La position de la Russie dans l’Asie centrale est celle de tous les états civilisés qui se trouvent en contact avec des peuplades à demi sauvages, errantes, sans organisation sociale fixe. Il arrive toujours, en pareil cas, que l’intérêt de la sécurité des frontières et celui des relations de commerce, exigent que l’état le plus civilisé exerce un certain ascendant sur des voisins que leurs mœurs nomades et turbulentes rendent fort incommodes. On a d’abord des incursions et des pillages à réprimer. Pour y mettre un terme, on est forcé de réduire à une soumission plus ou moins directe, les peuplades limitrophes. Une fois ce résultat atteint, celles-ci prennent des habitudes plus tranquilles, mais elles se trouvent à leur tour exposées aux agressions des tribus plus éloignées. L’état est obligé de les défendre contre ces déprédations et de châtier ceux qui les commettent ; de là la nécessité d’expéditions lointaines, coûteuses, périodiques. Si l’on se borne à châtier les pillards et que l’on se retire, la leçon est bientôt perdue ; la retraite, surtout dans l’esprit des peuples de l’Asie, est mise sur le compte de la faiblesse ; il faut donc poser les bases d’un système sur des conditions géographiques et politiques fixes et permanentes. Le tracé de nos frontières devait par conséquent englober les tribus nomades et s’arrêter à la limite des populations agricoles et commerçantes ; bien souvent, dans ces dernières années, on s’est plu à assigner pour mission à la Russie

  1. Extrait d’un rapport adressé au vice-roi des Indes par lord Cranbrook, secrétaire d’état pour l’Inde, le 18 novembre 1878.