Page:Études religieuses, historiques et littéraires, volume 69, septembre-décembre 1896.djvu/391

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

le faussaire, quel qu’il soit, est pris en flagrant délit. Il est inséré dans le dernier ouvrage que s’attribue Diana Vaughan, le 33e Crispi, à la fois compilation, roman et pamphlet, où les coups de théâtre à grand effet, comme l’empoisonnement de Crispi par Mazzini, coudoient d’impudentes calomnies, même contre le Sacré-Collège. Car on y affirme (p. 268) — toujours sans preuves — que certain cardinal, nommé on toutes lettres, était franc-maçon et représentait les intérêts de la secte au conclave qui a élu Léon XIII.

Le document à sensation dans ce volume, c’est la grande prophétie dictée par Bitru en personne, le diable bien connu des lecteurs de Diana Vaughan. Bitru révèle solennellement au Triangle romain, le Lotus des Victoires, que Sophia Walder est son épouse bien-aimée, et que, le 29 septembre 1896, d’elle naîtra une fille qui sera la grand’mère de l’Antéchrist. Si vous êtes assez impie pour douter, voici, photographié sur l’original, le texte dicté en latin par Bitru lui-même ; voici en caractères d’une fantaisie infernale sa signature, légalisée en italien par Crispi, Lemmi et autres grands personnages du Triangle. Seule la traduction française est de Diana.

Tout n’est-il pas prévu contre le scepticisme ? Tout, excepté un petit point : on a oublié d’apprendre au diable Bitru son latin et son italien : les fautes grossières dont il émaille son style, prouvent avec la dernière évidence que le texte français n’a pu être calqué sur le latin, mais au contraire a servi de thème au latin et à l’italien. Et ce thème a été fait par un ignorant qui, entre autres perles, oublie la règle Ludovicus rex et écrit me Sophia ; il traduit naîtra par oriunda est, au lieu de oritura, et en italien, il ne sait pas même distinguer les articles, et il écrit gli magi, pour i magi. Le plus fort, c’est qu’un des signataires, Augustin Bertani, oublie qu’il est italien, et au lieu d’écrire Agost. Bertani, il met en français Aug. Bertani. « Il était si troublé devant Bitru ! » répond l’auteur avec désinvolture.

Après cela, qui s’étonnera que la grossière farce Sophia-Bitru ait défrayé pendant des mois, aux dépens des catholiques, les rires de l’Allemagne incrédule ? Notre surprise à nous, c’est qu’un si insolent défi à la crédulité humaine n’ait pas ouvert les yeux sur la valeur du livre et de l’écrivain.