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Page:Œuvres Complètes de M. Le Vicomte de Chateaubriand, éd. Pourrat, tome 18, 1836.djvu/313

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PENSÉES,
RÉFLEXIONS ET MAXIMES.



La misère de l’homme ne consiste pas seulement dans la foiblesse de sa raison, l’inquiétude de son esprit, le trouble de son cœur ; elle se voit encore dans un certain fond ridicule des affaires humaines. Les révolutions surtout découvrent cette insuffisance de notre nature : si vous les considérez dans l’ensemble, elles sont imposantes ; si vous pénétrez dans le détail, vous apercevez tant d’ineptie et de bassesse, tant d’hommes renommés qui n’étoient rien, tant de choses dites l’œuvre du génie qui furent l’œuvre du hasard, que vous êtes également étonné et de la grandeur des conséquences et de la petitesse des causes.

Lorsqu’on est placé à distance des faits, qu’on n’a pas vécu au milieu des factions et des factieux, on n’est guère frappé que du côté grave et douloureux des événements ; il n’en est pas ainsi quand on a été soi-même acteur, ou spectateur compromis, dans des scènes sanglantes. Tacite, que la nature avoit formé poëte, eût peut-être crayonné la satire de Pétrone, s’il eût siégé au sénat de Néron,