Page:Œuvres Complètes de M. Le Vicomte de Chateaubriand, éd. Pourrat, tome 18, 1836.djvu/315

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on ne peut être ni un républicain à la manière de Sparte ni un républicain à la manière des États-Unis, on peut encore conquérir la liberté, on ne la peut garder.

La postérité se souvient des hommes qui ont changé les empires, très peu de ceux qui les ont rétablis, à moins que ce rétablissement n’ait été durable. On admire ce qui crée, on estime à peine ce qui conserve : une grande gloire couvre de ténèbres tout ce qui la suit.

Tourmentez-vous pour rétablir la vertu chez un peuple qui l’a perdue, vous n’y réussirez pas. Il y a un principe de destruction en tout. À quelle fin Dieu l’a-t-il établi ? C’est son secret.

On s’étonne du succès de la médiocrité ; on a tort. La médiocrité n’est pas forte par ce qu’elle est en elle-même, mais par les médiocrités qu’elle représente ; et dans ce sens sa puissance est formidable. Plus l’homme en pouvoir est petit, plus il convient à toutes les petitesses. Chacun en se comparant à lui se dit : « Pourquoi n’arriverais-je pas à mon tour ? » Il n’excite aucune jalousie : les courtisans le préfèrent, parce qu’ils peuvent le mépriser ; les rois le gardent comme une manifestation de leur toute-puissance. Non seulement la médiocrité a tous ces avantages pour rester en place, mais elle a encore un bien plus grand mérite : elle exclut du pouvoir la capacité. Le député des sots et